Insinuations du Gaulois. Tirard, chef de la réaction à Paris.
Le Gaulois, qui tient avec Le Figaro la tête de la réaction dans
la presse policière, a trouvé un petit truc pour tenter, lui aussi,
d’amoindrir l’importance du Comité central.
La preuve que ce Comité ne représente rien, dit-il, c’est
qu’il est abandonné non seulement des républicains les plus
avérés, mais encore des socialistes, dont pas un parmi les plus
connus ne figure à l’Hôtel de Ville.
Moins pour contredire Le Gaulois, dont nous ne nous soucions
guère, que pour accentuer encore notre précédente adhésion
au Comité central, nous saisissons l’occasion du prochain
scrutin auquel vont être convoqués les électeurs – malgré l’opposition
qu’y font les journaux prétendus républicains – pour
adresser aux Parisiens un appel dans lequel nous les adjurons
de constituer par leur vote une représentation municipale
ramenant dans Paris la sécurité que n’a pu lui procurer aucun
des gouvernements autoritaires qui l’ont opprimé jusqu’ici.
Cet appel est signé: Ch. Beslay, Briosne, Baux, H. Bocquet,
Bedouche, A. Brouillé, Chalvet, Camélinat, Ch. Dumont,
P. Denis, Th. Ferré, Hamet, A. Lyas, G. Lefrançais, C. Martin,
E. Pottier, Ch. Rochat, Régnier, Thélidon, Theisz, Vaillant et
J. Vallès.
Il ne sera pas dit que ceux qui, depuis 1848, ont repris
la campagne socialiste révolutionnaire, abandonnent les
citoyens qui tiennent ferme en mains, à l’Hôtel de Ville, le
drapeau du peuple, le drapeau de la Révolution sociale, sous
l’hypocrite prétexte que ces citoyens sont des inconnus.
Successivement évincés de leurs mairies respectives par
les délégués du Comité central, les maires et adjoints des
quartiers réactionnaires se sont groupés autour de Tirard, le maire du IIe arrondissement, qui s’est proclamé chef de la
résistance à la Révolution.
Ce monsieur a accumulé dans sa mairie des mitrailleuses
et des munitions.
Il a promu, comme commandant en chef de ses bataillons,
un sieur de Quevauvilliers, chemisier de la rue Richelieu,
bonapartiste avéré. Il est assisté de son adjoint Chéron,
membre de la Société des « Défenseurs de la République » et
du nommé Héligon, ex-membre de l’Internationale, suspecté
depuis longtemps, par ses anciens camarades, d’attaches
policières sous l’Empire.
Tels sont les lieutenants de Tirard, ce moderne preux de
l’armée de l’ordre.
Les prétentions de ces messieurs devenant gênantes, le
Comité central finit par y mettre ordre.
Après une proclamation assez raide des citoyens Eudes et
Duval, chargés de prendre possession des mairies récalcitrantes
du Ier et du IIe arrondissement, celles-ci sont occupées
sans la moindre résistance de la part des matamores qui s’en
étaient faits les gardiens.
C’était la dernière carte de la réaction, après la ridicule
échauffourée des membres du Jockey-Club à la place
Vendôme.
Gustave Lefrançais, Souvenirs d’un révolutionnaire, De juin 1848 à la Commune