Le Capital en tant qu’il représente la forme universelle de la richesse – l’argent – est cette tendance sans borne et sans mesure qui désirerait dépasser sa propre limite…
Marx, Manuscrits de 1857-58
L’impression du Capital a commencé… Le titre en est : Le Capital. Critique de l’économie politique…
…C’est assurément le plus redoutable missile qui ait encore jamais été lancé à la tête de la bourgeoisie y compris le propriétariat foncier…
Marx à Becker, 17 avril 1867
L’appropriation capitaliste, conforme au mode de production capitaliste, constitue la première négation de cette propriété privée qui n’est que le corollaire du travail indépendant et individuel. Mais la production capitaliste engendre elle-même sa propre négation avec la fatalité qui préside aux métamorphoses de la nature. C’est la négation de la négation.
Marx, Le Capital – Livre premier
… Chaque donnée qui s’oppose à une répétition des anciennes crises recèle le germe d’une crise future toujours plus puissante…
Le véritable empêchement de la production capitaliste, c’est donc le Capital lui-même…
Marx, Le Capital, livre III
La forme la plus abstraite de la crise c’est la métamorphose de la marchandise elle-même qui renferme, en tant que mouvement développé, la contradiction – impliquée dans le mouvement de la marchandise – entre valeur d’échange et valeur d’usage, puis entre argent et crise…
Marx, Théories sur la plus-value
Nous avons souvent combattu l’interprétation minimaliste de l’objet de l’œuvre de Marx. Ses prétendus disciples qui ont rejeté tout ce qui a trait à la vigueur révolutionnaire, que l’on retrouve non seulement à chaque page mais encore à chaque phrase, ont prétendu que l’unique objet de l’œuvre de Marx était de faire une théorie scientifique, objective et froide de l’économie capitaliste moderne dont elle présenterait et expliquerait le mécanisme, constatant et observant son jeu en une description d’une froide et sereine indifférence. Quelques-uns concèdent tout au plus qu’après avoir fait son devoir de savant en étudiant le capitalisme dans le grand ouvrage qu’est Le Capital, un Marx différent – paré, selon leurs images banales, d’autres habits et animé d’un nouvel esprit – se serait laissé aller à écrire sur l’histoire et la politique de parti, à faire l’agitateur et, pourquoi pas, le démagogue.
Le but de notre étude sur Marx, c’est-à-dire sur le programme de la révolution communiste internationale, est d’établir qu’aucune séparation n’existe entre les thèses économiques, historiques, philosophiques ou politiques, entre tel ou tel écrit, étude, analyse programme ou proclamation et que si, dans les pages du Capital, on trouve assez de science pour glacer les veines des petits roquets académiques, on y trouve également à chaque ligne et à chaque étape tout le programme enflammé de la révolution anticapitaliste. Notre science n’est pas la réponse à cette question imbécile : Qu’est-ce que le Capital ? mais la démonstration que le Capital mourra et que sa mort sera violente; plus encore, comme nous le verrons tout à l’heure dans une page vibrante, qu’à la lumière de la science, le capitalisme aujourd’hui déjà – l’aujourd’hui de Karl Marx comme le nôtre – est mort et n’existe pas. Tout autre que la biologie du capital, notre science en est la nécrologie.
La transition difficile du Livre I du Capital au second, puis au troisième peut se comprendre si on saisit que, non seulement dans chaque Livre et à chaque chapitre mais pour ainsi dire à chaque page, on se trouve devant trois moments de notre conception qui naît et vit comme analyse, illumination, bataille fulgurante et glorieuse apocalypse.
Dans le premier moment, en effet, on fait la théorie du capital individuel qu’il est préférable de définir comme capital d’entreprise. Les lois recherchées et trouvées dans ce domaine, développées principalement dans le Livre Premier, se rapportent au cercle clos de l’entreprise ainsi qu’aux rapports et calculs relatifs au transfert de valeur entre le personnage symbolique du capitaliste, vite devenu inutile, et la masse sans cesse croissante de ses ouvriers.
Dans le deuxième moment, on cesse d’écrire, dans notre langage déjà radicalement opposé à celui des comptables bourgeois, le bilan de l’entreprise industrielle, et on passe à l’étude des lois de l’ensemble de la société capitaliste considérée comme un tout. Les relations s’établiront alors entre classes sociales et leur forme sera neuve et originale.
Le troisième moment est le moment vital ; pour qui sait voir et comprendre, il brillera d’une intensité éblouissante. Ce n’est plus la théorie de l’entreprise industrielle ni celle de la société bourgeoise historique ; c’est la théorie de la société communiste future prévue avec certitude.
Ici, la science scolastique et académique, palinodie froide et morte, dépassée et foulée aux pieds dès le premier moment, est abandonnée. Nous sommes dans le domaine du programme, dans le camp du parti révolutionnaire, dans le feu de cette critique qu’il ne suffit plus de faire dans un livre, mais par les armes.
Tous les malheureux qui n’ont pas vu cette éclatante lumière n’ont même pas su transmettre la vision historique de la société bourgeoise donnée par Marx, ni refaire les simples calculs de l’économie d’entreprise employant des salariés, galère qui est au fondement de cette société infâme. Ils ont erré parmi les falsifications misérables et difformes et les illusions de panacées sociales vides de sens qui barraient la voie pour laquelle se battent les marxistes révolutionnaires, la société future dans son opposition tranchée aux iniquités du capitalisme moderne, épreuve ultime et la plus infâme dans l’histoire tourmentée de l’espèce humaine.
… Ce qui intéresse Marx ici, c’est la possibilité de crises sociales, dans la mesure où leur déroulement lui permet de tracer la perspective au terme de laquelle advient la mort de la forme capitaliste. Les lois économiques propres à un capitalisme-type qui se reproduirait en un cycle continu peuvent intéresser la recherche théorique ; mais l’important, c’est la loi d’évolution historique des formes de production …
Bordiga, Révolutions historiques de l’espèce qui vit, travaille et connaît, Réunion de Florence