Guerre de Classe présente : Rendez-vous radical avec l’histoire réelle… LES CONSEILS OUVRIERS D’ALLEMAGNE DU DÉBUT DU SIÈCLE DERNIER : RÉVOLUTION SOCIALE POUR LA DESTRUCTION DE L’ÉTAT OU DICTATURE DÉMOCRATIQUE DU CAPITALISME TOTALITAIRE…

Intervenants : Francis Cousin et Michel


Résumons-nous et arrivons à établir cette conclusion que LE SOCIALISME EST EN DANGER par suite de la tendance de la grande majorité. Et ce danger est l’influence du capitalisme sur le parti social-démocrate. En effet, le caractère moins révolutionnaire du parti dans plusieurs pays provient de la circonstance qu’un nombre beaucoup plus grand d’adhérents du parti ont quelque chose à perdre si un changement violent de la société venait à se produire. Voilà pourquoi la social-démocratie se montre de plus en plus modérée, sage, pratique, diplomatique (d’après elle plus rusée), jusqu’à ce qu’elle s’anémie à force de ruse et devienne tellement pâle qu’elle ne se reconnaîtra plus…

… en un mot, un grand nombre de personnes seront économiquement dépendantes du futur « développement paisible et calme » du mouvement, c’est-à-dire qu’il ne se produira aucune secousse révolutionnaire qui ne soit un danger pour eux. Et justement ils sont les meneurs du parti et, par suite de la discipline, presque tout-puissants. Ici également ce sont les conditions économiques qui dirigent leur politique.

Ferdinand Domela Nieuwenhuis, Le socialisme en danger (1894)

Les nécessités historiques de la concurrence toujours plus acharnée du Capital, en quête de nouvelles régions d’accumulation dans le monde, se transforment ainsi, pour le Capital lui-même, en un champ d’accumulation privilégié. Le Capital use toujours plus énergiquement du militarisme pour s’assimiler, par le moyen du colonialisme et de la politique mondiale, les moyens de production et les forces de travail des pays ou des couches non capitalistes. En même temps, dans les pays capitalistes, ce même militarisme travaille à priver toujours davantage les couches non capitalistes, c’est-à-dire les représentants de la production marchande simple ainsi que la classe ouvrière, d’une partie de leur pouvoir d’achat ; il dépouille progressivement les premiers de leur force productive et restreint le niveau de vie des seconds, pour accélérer puissamment l’accumulation aux dépens de ces deux couches sociales. Cependant, à un certain degré de développement, les conditions de l’accumulation se transforment en conditions de l’effondrement du Capital.

Plus s’accroît la violence avec laquelle, à l’intérieur et à l’extérieur, le Capital anéantit les couches non capitalistes et avilit les conditions d’existence de toutes les classes laborieuses, plus l’histoire quotidienne de l’accumulation dans le monde se transforme en une série de catastrophes et de convulsions, qui, se joignant aux crises économiques périodiques, finiront par rendre impossible la continuation de l’accumulation et par dresser la classe ouvrière internationale contre la domination du Capital avant même que celui-ci n’ait atteint économiquement les dernières limites objectives de son développement.

Rosa Luxemburg, L’Accumulation du Capital (1913)

Aujourd’hui, comme toujours, que ceci soit notre devise : « À bas les capitalistes et les gouvernements, tous les capitalistes et tous les gouvernements ! Vivent les peuples, tous les peuples ! »

Errico Malatesta, Réponse au Manifeste (anarchiste) des Seize (1916), qui avait pris parti pour le camp capitaliste des Alliés lors de la Première Boucherie impérialiste mondiale

La guerre mondiale a placé la société devant l’alternative suivante : ou bien maintien du capitalisme, avec de nouvelles guerres et un rapide effondrement dans le chaos et l’anarchie, ou bien abolition de l’exploitation capitaliste.

Rosa Luxemburg, Que veut la Ligue spartakiste ? (décembre 1918)

La social-démocratie était la représentante du prolétariat comme capital-variable, rien de moins et rien de plus. Elle était la représentante du développement moderne du Capital : unification nationale, passage à la domination réelle, concentration des forces productives, « socialisation », laïcisation de l’école, organisation de la force de travail, développement de la recherche scientifique, fusion progressive de l’économie et de la politique, idolâtrie de l’État, etc.

Ce que Lassalle et Bismarck, puis Bebel, [Wilhelm] Liebknecht, Kautsky, Vollmar et Bernstein tentèrent de faire sera réalisé en 1919 par Ebert, Noske et Scheidemann. Le programme économique de la social-démocratie sera réalisé par le nazisme : les revendications immédiates du prolétariat réalisées contre lui-même. La social-démocratie a été le mouvement politique de la tendance du prolétariat à devenir classe dominante (au sein du capitalisme, puisque classe et puisque prolétariat/mouvement ouvrier)…

La social-démocratie constituait la plus incroyable force d’encadrement et de discipline de la classe ouvrière, en échange d’un marchandage du prix de la force de travail ; sa mainmise sur les syndicats était absolue…

L’alliance entre la classe ouvrière (par l’intermédiaire de « l’aristocratie ouvrière » et de ses représentants syndicaux et politiques divers) et de l’intelligentsia socialiste se fit dans le sens d’une absolue soumission du prolétariat allemand à la moyenne-bourgeoisie du Parti, à ses chefs. L’union sacrée de 1914 y était préfigurée. Et les racines de l’idéologie marxiste (c’est-à-dire kautskyste, puis léniniste) s’y abreuvaient…

La social-démocratie a été l’organe le plus contre-révolutionnaire de l’époque : elle, qui recréait la société capitaliste en son sein, ne pouvait que la perpétuer. Le marxisme a été la musique de cette symphonie, et à ce titre fut critiqué par tous les « révolutionnaires » de l’époque.

Jean-Yves Bériou, Théorie révolutionnaire et cycles historiques (1973)

La constitution de la classe en conseils démontre qu’elle s’organise sur ses objectifs propres, mais ne dit rien sur la nature de ces objectifs, ni sur les divisions qui peuvent exister à l’intérieur de cette classe. Tous les problèmes de la révolution allemande ont tourné autour de ce fait, qui a déterminé toutes ses fluctuations…

L’un des aspects les plus remarquables est que la révolution allemande s’est faite sur le mot d’ordre : « Quittez les syndicats ! » Alors que personne ne s’était autonomisé par rapport aux syndicats et à la social-démocratie avant la guerre, les organisations de gauche ont regroupé des centaines de milliers et parfois des millions de travailleurs sur des positions révolutionnaires… Ce mot d’ordre correspondait à un refus total des formes syndicales d’organisation, et s’accompagnait de la création pratique par le prolétariat d’organismes très différents, les « unions » contrôlées par la base…

Pierre Guillaume, Perspective sur les conseils, la gestion ouvrière et la gauche allemande (1978)

L’impérialisme est à la fois une méthode historique pour prolonger les jours du Capital et le moyen le plus sûr et le plus rapide d’y mettre objectivement un terme. Cela ne signifie pas que le point final ait besoin à la lettre d’être atteint. La seule tendance vers ce but de l’évolution capitaliste se manifeste déjà par des phénomènes qui font de la phase ultime du capitalisme une période de catastrophes.

Rosa Luxemburg, L’Accumulation du Capital (1913)

Le mode de production capitaliste lui-même n’est pas immuable et éternel si on le considère dans la gigantesque perspective du devenir historique ; il est aussi une simple phase transitoire, un moment dans la colossale échelle de l’évolution humaine, comme toutes les formes de société qui l’ont précédé. Examinée de plus près, l’évolution du capitalisme le mène à son propre déclin, elle le mène au-delà du capitalisme. Nous avons jusqu’ici recherché ce qui rend possible le capitalisme, il est temps maintenant de voir ce qui le rend impossible. Il suffit pour cela de suivre les lois internes de la domination du Capital dans leurs effets à venir.

Rosa Luxemburg, Introduction à l’économie politique

Les masses ont été à la hauteur de leur tâche. Elles ont fait de cette « défaite » un maillon dans la série des défaites historiques, qui constituent la fierté et la force du socialisme international. Et voilà pourquoi la victoire fleurira sur le sol de cette défaite.

L’ordre règne à Berlin ! Sbires stupides ! Votre ordre est bâti sur le sable. Dès demain, la révolution se dressera de nouveau avec fracas, proclamant à son de trompe pour votre plus grand effroi :

« J’étais, je suis, je serai ! »

Rosa Luxemburg, L’ordre règne à Berlin ! (14 janvier 1919, veille de son assassinat)


DIALECTIQUE RÉVOLUTIONNAIRE DE LA SENSUALITÉ HISTORIQUE ET SENSUALITÉ RÉVOLUTIONNAIRE DE LA DIALECTIQUE HISTORIQUE…

Jean-Yves Bériou – Théorie révolutionnaire et cycles historiques

Pierre Guillaume – Perspective sur les conseils, la gestion ouvrière et la gauche allemande

Mémoire d’histoire radicale