Un point inquiétant.
Ce côté de la défense de Paris nous cause, à Gambon et à moi, de très vives inquiétudes, car il est tout spécialement le point de mire des batteries versaillaises, ce qu’il est facile de constater de l’observatoire établi au-dessus du château de la Muette.
Contre l’avis persistant de Cluseret1, nous sommes absolument persuadés que le véritable objectif de Versailles est d’entrer par là dans Paris.
Les quartiers d’Auteuil et de Passy, avec leurs jardins, leurs grands parcs, offriraient de faciles refuges aux envahisseurs pour s’avancer ensuite à couvert jusqu’aux Champs-Élysées et au Trocadéro, d’où ils pourraient aisément bombarder le centre de la ville.
Il serait donc urgent d’activer les travaux de défense intérieure sur tout ce parcours.
Il y a bien quelque chose de commencé en ce genre, sous la direction de Roselli-Mollet fils2, qui, lui aussi, me semble avoir trop de confiance dans un ex-agent des ponts et chaussées, très dévoué d’apparence à la Commune, mais qui apporte une grande nonchalance dans l’exécution des terrassements nécessaires3.
À toutes nos objurgations à ce sujet, notre délégué à la Guerre réplique que, n’étant pas du métier, nous n’y entendons rien.
C’est bien possible, mais cette excessive quiétude me fait peur.
Gustave Lefrançais, Souvenirs d’un révolutionnaire, De juin 1848 à la Commune
1 Délégué à la Guerre de la Commune.
2 Luc Edmond Roselli-Mollet (1842-1883): fils d’Anthelme Roselli-Mollet, député siégeant au groupe d’extrême gauche de la Montagne sous la Deuxième République, il est ingénieur, directeur des fortifications sous la Commune; après l’amnistie, il rentrera en France et deviendra député, siégeant à l’extrême-gauche.
3 (N.d.A.) Je suppose que ce piqueur des ponts et chaussées devait être le trop fameux Ducatel qui introduisit les Versaillais par la porte d’Auteuil le 21 mai.