ἓν τὸ σοφόν, ἐπίστασθαι γνώμην, ὁτέη ἐκυϐέρνησε πάντα διὰ πάντων.
Le savoir vrai consiste à comprendre la destination par laquelle tout se détermine comme totalité.
Héraclite, Fragments
Οὕτως οὖν πᾶς ἐξ ὑμῶν ὃς οὐκ ἀποτάσσεται πᾶσιν τοῖς ἑαυτοῦ ὑπάρχουσιν, οὐ δύναταί μου εἶναι μαθητής.
Ainsi donc, quiconque d’entre vous ne fait pas séparation d’avec tout ce qui fait le monde de l’appropriation, ne peut être en ce que je déploie.
ΚΑΤΑ ΛΟΥΚΑΝ 14 – 33
LUC 14 – 33
Entre l’appétit et le désir, il n’y a pas de différence, sinon que le désir concerne en général les hommes en tant qu’ils sont en conscience de leurs appétits, et c’est pourquoi on peut le définir de la sorte : le désir est l’appétit conscient de l’appétit.
Spinoza, Éthique
L’esprit conquiert sa vérité à la seule condition de se retrouver soi-même dans l’action de l’absolu déchirer.
Hegel, Phénoménologie de l’esprit
Ainsi l’esprit s’oppose en lui-même à lui-même : (…) il a pour fonction de se surmonter lui-même, comme le véritable obstacle contradictoire à soi-même ; le développement, qui dans la nature est un calme avènement, est dans l’esprit un combat d’une rudesse infinie contre soi-même. La volonté de l’esprit est d’atteindre son propre concept ; mais il se le dissimule, et il est fier et empli de jouissance dans cette aliénation de soi-même…
La vie d’un peuple mène un fruit à maturité, car son activité est vouée à l’accomplissement d’un principe propre. Mais ce fruit ne retourne pas dans le sein du peuple qui l’a produit et fait naître. Au contraire, il devient pour lui comme une potion d’amertume. Il ne peut la laisser car il en a une soif infinie ; mais goûter ce breuvage est son anéantissement, en même temps que survient par là un nouveau principe…
Chaque degré [du déployer de l’esprit du monde], puisqu’il diffère des autres, a son principe propre et particulier. Un tel principe est, dans l’histoire, une déterminité de l’esprit, l’esprit particulier d’un peuple. C’est en elle que cet esprit exprime concrètement tous les aspects de sa conscience et de sa volonté, toute son effectivité. Elle est l’empreinte commune à sa religion, sa constitution politique, sa vie éthique, son système juridique, ses mœurs, mais aussi à sa science, son art et sa capacité technique. Ces propriétés plus spéciales sont à comprendre en partant de cette propriété universelle, le principe particulier d’un peuple. Réciproquement, c’est en partant des détails de la factualité présente dans l’histoire que l’aspect universel de cette particularité est dé-celable.
Hegel, Leçons sur la philosophie de l’histoire
Pour l’Allemagne, la critique de la religion est finie en substance. Or, la critique de la religion est la condition première de toute critique.
L’existence profane de l’erreur est compromise, dès que sa céleste oratio pro aris et focis a été réfutée. L’homme qui, dans la réalité fantastique du ciel où il cherchait un surhomme, n’a trouvé que son propre reflet, ne sera plus tenté de ne trouver que sa propre apparence, le non-homme, là où il cherche et est forcé de chercher sa réalité véritable.
Le fondement de la critique irréligieuse est celui-ci : l’homme fait la religion, ce n’est pas la religion qui fait l’homme. La religion est en réalité la conscience et le sentiment propre de l’homme qui, ou bien ne s’est pas encore trouvé, ou bien s’est déjà reperdu. Mais l’homme n’est pas un être abstrait, extérieur au monde réel. L’homme, c’est le monde de l’homme, l’État, la société. Cet État, cette société produisent la religion, une conscience erronée du monde, parce qu’ils constituent eux-mêmes un monde faux. La religion est la théorie générale de ce monde, son compendium encyclopédique, sa logique sous une forme populaire, son point d’honneur spiritualiste, son enthousiasme, sa sanction morale, son complément solennel, sa raison générale de consolation et de justification. C’est la réalisation fantastique de l’essence humaine, parce que l’essence humaine n’a pas de réalité véritable. La lutte contre la religion est donc par ricochet la lutte contre ce monde, dont la religion est l’arôme spirituel.
La misère religieuse est, d’une part, l’expression de la misère réelle, et, d’autre part, la protestation contre la misère réelle. La religion est le soupir de la créature accablée par le malheur, l’âme d’un monde sans cœur, de même qu’elle est l’esprit d’une époque sans esprit. C’est l’opium du peuple.
Le véritable bonheur du peuple exige que la religion soit supprimée en tant que bonheur illusoire du peuple. Exiger qu’il soit renoncé aux illusions concernant notre propre situation, c’est exiger qu’il soit renoncé à une situation qui a besoin d’illusions. La critique de la religion est donc, en germe, la critique de cette vallée de larmes, dont la religion est l’auréole.
La critique a effeuillé les fleurs imaginaires qui couvraient la chaîne, non pas pour que l’homme porte la chaîne prosaïque et désolante, mais pour qu’il secoue la chaîne et cueille la fleur vivante. La critique de la religion désillusionne l’homme, pour qu’il pense, agisse, forme sa réalité comme un homme désillusionné, devenu raisonnable, pour qu’il se meuve autour de lui et par suite autour de son véritable soleil. La religion n’est que le soleil illusoire qui se meut autour de l’homme, tant qu’il ne se meut pas autour de lui-même.
L’histoire a donc la mission, une fois que la vie future de la vérité s’est évanouie, d’établir la vérité de la vie présente. Et la première tâche de la philosophie, qui est au service de l’histoire, consiste, une fois démasquée l’image sainte qui représentait la renonciation de l’homme à lui-même, à démasquer cette renonciation sous ses formes profanes. La critique du ciel se transforme ainsi en critique de la terre, la critique de la religion en critique du droit, la critique de la théologie en critique de la politique.
Marx, Contribution à la critique de La philosophie du droit de Hegel
La composition organique du Capital qui, de crises d’adaptation en crises de modernisation, n’a pas cessé de faire baisser le taux de profit, est parvenue à cet instant à la crise de l’auto-présupposition de la marchandise elle-même car son expansion de développement n’est plus en situation de pouvoir développer son expansion puisque la machine-Capital ne parvient plus à reproduire adéquatement le rapport d’exploitation de l’homme-force de travail.
Le développement catastrophique de la contradiction valeur d’usage/valeur d’échange touche là le point extrême du renversement dialectique par lequel ce qui fait la mesure de la vie de l’indistinction marchande se transmute en la mesure de sa mort lorsque – par-delà le spectacle des illusions monétaires – la vérité de la valeur d’échange tend de plus en plus vers le néant de sa propre impossibilisation…
… À la différence des crises antérieures qui menaient toujours à un développement supérieur de la puissance de l’indistinction marchande, la crise actuelle est en train de devenir celle de l’impuissance pour tout développement supérieur du marché de l’indistinct.
Comme la marchandise n’est pas une chose mais le rapport social universel de production du spectacle du fétichisme, ce qui entre là en une crise de l’impossible reproduction, c’est bien toute la matérialité sociale de l’univers cybernétique de l’indistinction qui voit l’échelle industrielle de sa logique devenir inapte à perpétuer la logique de son échelle industrielle.
CRITIQUE DE LA SOCIÉTÉ DE L’INDISTINCTION