φύσις κρύπτεσθαι φιλεῖ…

 

Le croître de l’être est l’expérience de la contradiction…

 

Héraclite, Fragments

… ainsi la première raison de la servitude volontaire, c’est l’habitude

 

La Boétie, De la servitude volontaire

… le monde comme mondialité subsistant-par-soi est pour l’essentiel tout entier accompli

 

Le sommet auquel atteint la nature en son être-là, c’est la vie, mais celle-ci, en tant qu’idée seulement naturelle, est abandonnée à la dé-raison de l’extériorité, et la vitalité individuelle est à chaque moment de son existence, prise dans une implication avec une singularité qui lui est autre ; alors que, par contre, dans toute extériorité spirituelle, est contenu le moment d’une libre relation universelle à soi-même.

 

Hegel, Encyclopédie

La volonté qui ne se décide pas n’est pas une volonté actuelle ; l’homme sans caractère n’arrive pas à se décider.

 

Hegel, Principes de la philosophie du droit

Dans le domaine de l’esprit les choses ne se passent pas comme pour les champignons qui poussent en une simple nuit.

 

Hegel, Leçons sur l’histoire de la philosophie

Le destin est la loi elle-même que j’ai édictée dans l’action (que celle-ci soit la transgression d’une autre loi ou pas), dans son action en retour sur moi ; le châtiment n’est que la conséquence d’une autre loi – la conséquence nécessaire d’un événement ne peut être supprimée, à moins qu’on ne fasse en sorte que l’action n’ait pas eu lieu ; lorsqu’il n’y a que des causes et des effets, des séparés, une interruption de la série n’est pas possible. Le destin en revanche, c’est-à-dire la loi réactive elle-même, peut être supprimé ; car je peux aussi anéantir une loi que j’ai édictée moi-même, une séparation que j’ai provoquée moi-même. – Puisque l’action et la réaction ne font qu’un, il va de soi que la réaction ne puisse être unilatéralement supprimée. Le châtiment est la conscience d’une puissance étrangère, d’une hostilité, et s’il a été infligé sous la domination de la loi, alors cette loi est satisfaite et me voilà libéré d’une réalité étrangère qui renonce à moi et se retire à nouveau sous sa forme menaçante, mais dont je ne me suis pas fait un ami. La mauvaise conscience est la conscience d’une mauvaise action, d’un événement, d’une partie d’un tout sur lequel je n’ai aucun pouvoir ; d’un événement dont on ne pourra jamais, jamais faire qu’il n’ait pas eu lieu, car il était un déterminé, un limité. Le destin est la conscience de soi-même (non de l’action), de soi-même comme d’un tout, il est cette conscience du tout réfléchie, objectivée ; comme ce tout est un vivant qui s’est blessé, il peut revenir à nouveau à la vie, à l’amour ; sa conscience redevient foi en soi-même, et l’intuition de soi-même est devenue une autre, et le destin est réconcilié. Mais alors, l’amour est un besoin ; en lui-même, la tranquillité est perdue ; c’est là la blessure qui subsiste, l’intuition de soi-même comme d’un réel ; à cela s’oppose l’intuition de soi-même comme d’un être en tension qui s’éloigne de cette réalité ; mais justement, comme il ne s’agit ici que d’une tension, il s’agit d’un besoin, lié à une nostalgie qui ne disparaît que dans l’amour, dans la tension satisfaite.

 

Hegel, L’esprit du christianisme et son destin

II : La Bourse

 

1. La cinquième section du Livre III et en particulier le chapitre XXVII nous montrent quelle est la place que la Bourse occupe dans la production capitaliste. Mais depuis 1865, date à laquelle le livre fut rédigé, des changements sont survenus qui assignent aujourd’hui à la Bourse une importance accrue et toujours grandissante, ces changements tendent, à plus longue échéance, à concentrer entre les mains des boursiers toute la production industrielle et agricole, l’ensemble des communications, aussi bien des moyens de transport que des organes d’échange, de sorte que la Bourse devient la représentante la plus éminente de la production capitaliste même.

2. En 1865, la Bourse était encore un élément secondaire dans le système capitaliste. Les papiers d’État représentaient la masse principale des valeurs boursières et encore était‑elle relativement petite. À côté de cela, il y avait les banques par actions qui prédominaient sur le continent et en Amérique et qui, en Angleterre, commençaient à peine à absorber les banques privées de l’aristocratie. Mais leur nombre restait relativement insignifiant. Enfin, la masse des actions des compagnies de chemins de fer était encore assez faible comparativement à ce qu’elle est aujourd’hui. Les établissements directement productifs, eux, n’étaient que peu nombreux sous forme de société par actions. De même les banques, surtout dans les pays les plus pauvres, en Allemagne, en Autriche, en Amérique, etc. « L’œil du ministre » était une superstition qu’on n’avait pas encore surmontée à l’époque.

 

En ce temps, la Bourse était donc encore un lieu où les capitalistes se prenaient mutuellement leurs capitaux accumulés, elle n’intéressait directement les ouvriers que comme une nouvelle preuve de l’action démoralisatrice générale de l’économie capitaliste et comme confirmation de la thèse de Calvin constatant que la prédestination, autrement dit le hasard, décide déjà dans cette vie de la félicité ou de la damnation, de la richesse, qui est jouissance et pouvoir, et de la pauvreté, qui est privation et servitude.

3. Aujourd’hui il en est autrement. Depuis la crise de 1866, l’accumulation s’est faite avec une rapidité toujours croissante et de telle façon que dans aucun pays industriel, et en Angleterre moins qu’ailleurs, l’extension de la production n’a pu suivre le rythme de l’accumulation et que l’accumulation réalisée par le capitaliste isolé n’a pu être pleinement employée à l’extension de sa propre affaire ; industrie cotonnière anglaise déjà en 1845, escroquerie des chemins de fer. Mais cette accumulation augmentait également la masse des rentiers, des gens qui, lassés de la tension constante du monde des affaires, n’aspiraient plus qu’à s’amuser ou à occuper des postes de tout repos, de directeur ou d’administrateur de société. Enfin, on fonda partout où cela n’existait pas encore, et en vue de faciliter l’investissement de la masse flottante de capital‑argent, la nouvelle forme légale des sociétés à responsabilité limitée, et les engagements des actionnaires qui, jusque‑là, avaient eu une responsabilité illimitée furent plus ou moins réduits (sociétés par actions en Allemagne, 1890, 40% de souscriptions !).

4. Suit une transformation progressive de l’industrie en entreprise par actions. Toutes les branches, les unes après les autres, succombent au destin. D’abord la sidérurgie, où de gigantesques investissements sont aujourd’hui nécessaires (auparavant les mines, là où elles n’avaient pas encore été mises en société). Puis l’industrie chimique : idem. La construction de machines. Sur le continent, industrie textile, en Angleterre seulement encore en quelques régions du Lancashire (filatures Oldham, tissage Burnley, etc.) … Coopérative de tailleurs (celle‑ci seulement comme première étape pour retomber rapidement ‑ à la prochaine crise ‑ dans les mains des patrons) ; brasseries (il y a quelques années, les brasseries américaines furent bazardées au capital anglais, ensuite Guiness, Bass, Allsopp). Ensuite les trusts qui créent des entreprises géantes à direction commune (comme l’United Alkali). La firme individuelle habituelle n’est de plus en plus qu’une première étape pour amener l’affaire à un niveau suffisamment élevé, pour qu’elle puisse être mise en société (« gegründert »).

 

La même chose vaut pour le commerce. Leafs, Persons, Morleys, M. Dillon : tous des sociétés. Il en va déjà de même pour des maisons de détail, et ceci non seulement sous l’apparence de coopératives à la « Stores ».

 

De même pour les banques et les autres établissements de crédit, même en Angleterre. Il s’en crée une quantité énorme de nouveaux, tous à responsabilité limitée. Même de vieilles banques comme Glyns, etc., se transforment en Limited avec sept actionnaires privés.

5. De même dans le domaine de l’agriculture. Les banques qui ont pris une énorme extension, surtout en Allemagne, sous toutes sortes de noms bureaucratiques, deviennent de plus en créanciers hypothécaires, avec leurs actions, la propriété véritable des terres est livrée à la Bourse et ceci bien plus encore lorsque les biens tombent aux mains des créanciers. Ici agit puissamment la révolution agricole qu’a signifiée la culture des steppes. Si cela continue, on peut prévoir que les terres anglaise et française tomberont aussi aux mains de la Bourse.

6. Enfin tous les investissements à l’étranger se font sous forme d’actions. Pour ne parler que de l’Angleterre : chemins de fer d’Amérique du Nord et du Sud (consulter la liste des valeurs), Goldberger, etc.

7. Ensuite la colonisation. Celle‑ci est aujourd’hui une véritable succursale de la Bourse, pour les intérêts de laquelle les puissances européennes ont partagé l’Afrique il y a quelques années et les Français conquis Tunis et le Tonkin. L’Afrique est directement affermée à des compagnies (Niger, Afrique du Sud, Sud‑Ouest africain allemand et Afrique orientale allemande). Et le Mozambique et le Natal pris en possession pour la Bourse par Sir Cecil Rhodes.

Le CapitalLivre troisième
Le procès d’ensemble de la production capitaliste

 

Complément et supplément au livre III du Capital
F. Engels

Thèse XLIV
44

 

La révolution communiste surgira comme une dialectique attendue. Elle signifiera qu’il n’y aura plus jamais de continuation possible de la loi de la valeur mais émergence irréfragable de la Gemeinwesen en tant que communauté humaine de l’universelle abolition de l’échange, de la marchandise, du salariat et de l’État. Le processus de communisation y sera ce temps particulier et unique où toutes les mystifications qui faisaient la conscience fausse du prolétariat afin d’éclipser le caractère fondamentalement contradictoire de sa définition et de son implacable auto-dépassement, se mettront en situation de ne plus avoir aucun endroit pour continuer à se dupliquer. Le mouvement du prolétariat est constamment réabsorbé dans l’obscurcissement sans cesse répété des expressions diverses de la contre-révolution tant que le modernisme de la capitalisation se trouve susceptible d’arrimer les hommes à la soumission marchande. Pour qu’advienne le surgissement communiste, il est indispensable que la capitalisation moderniste s’arrête de pouvoir remodeler le mode de production de son renouvellement. Dans la crise finale du fétichisme de la marchandise, la sur-production du travail mort atteint un tel niveau que C/V – étouffé par le sur-encombrement du trop de capitalisation, du trop d’objets et du trop de travail passé cristallisé – fait déboucher l’histoire sur l’espace-temps où toutes les médiations du marché neutralisent le marché de ce qu’elles médient en produisant ainsi l’immodifiable dés-implication réciproque valeur d’usage <=> valeur d’échange. C’est quand la valeur d’échange ne peut plus rien saisir de la valeur d’usage et que le rapport de force historique de l’aliénation s’inverse jusqu’à poser la cessation de l’auto-présupposition fétichiste que l’argent cesse de dominer la société en tant que représentation échangiste de l’équivalence centrale. C’est parce que la dialectique de cette non-saisissabilité échue se manifeste là au coeur même de la détermination domesticatoire qui s’auto-abolit que le processus de la re-saisie continuellement réactivée du prolétariat par le Capital s’interrompt pour tous les temps et que de la sorte le mouvement réel de l’auto-émancipation humaine s’incarne comme la radicale insaisissabilité de son insubordination pratique.

 

VOYAGE AU BOUT DE LA FIN DU CAPITAL