… le but final est la suppression de tout État et, par conséquent, de la démocratie.

 

Engels, Préface de 1894 à Internationales aus dem Volksstaat, 1871-1875

Il fallait bien sûr que les atrocités du fascisme fussent écrites comme les plus effroyables pour faire oublier comment les gauches du Capital furent bien toutes historiquement à la manœuvre centrale de l’extermination des communards parisiens de 1871, berlinois de 1919, kronstadtiens de 1921, barcelonais de 1937 et budapestois de 1956… Dans le spectacle du fétichisme des cruautés et infamies de la marchandise totalitaire, celles de l’humanisme démocratique de la valeur d’échange constituent le secret le mieux gardé de la liberté despotique du profit. Aussi, depuis quatre-vingts ans, et en pleine confirmation du fameux texte de Marx contre toute censure tel qu’il dé-voile la nature des mystères de la mystification propre aux tabous et totems officiels et en relation avec les Appendices d’Hommage à la Catalogne, nous savons parfaitement que selon le Ministère de la Vérité du Capital qui s’est élaboré du tribunal de Barcelone à celui de Nuremberg :

La guerre, c’est bien la paix.
La liberté, c’est bien l’esclavage.
L’ignorance, c’est bien la force.

La guerre d’Espagne fut le grand laboratoire mystificateur des réorganisations aliénatoires qui permirent à la crise généralisée du taux de profit des années 30 de se résoudre par la gigantesque seconde boucherie impérialiste mondiale. Seuls les groupes de la véritable intransigeance communiste surent dénoncer les mensonges du camp démocratico-staliniste et de ses supplétifs libertaires, en défendant notamment le processus révolutionnaire anti-étatique des collectivités paysannes et ouvrières. Commencés en surgissement prolétarien contre le coup d’État de Franco, exemplaire massacreur républicain de l’insurrection asturienne de 1934, les évènements d’Espagne se transformèrent rapidement en simple guerre capitaliste dès lors que les prolétaires se virent progressivement domestiqués par les appareils républicanistes de l’UGT et de la CNT. S’imaginant échapper au plus terrible en se soumettant à l’imposture démocratique, les prolétaires endurèrent donc alternativement le plomb, la mitraille et les prisons de la droite et de la gauche du Capital et les franquistes ne purent d’ailleurs prendre Madrid et Barcelone qu’après que le Front populaire de la capitalisation eut lui-même brisé les milices ouvrières. Il ne saurait exister de révolution communiste sans anéantissement de l’argent, du salariat et de l’État ; tel est l’enseignement invariant de toutes les Communes qui inspirèrent les fractions du maximalisme communiste, en particulier la Gauche Communiste de France qui de 1944 à 1952, a su maintenir le cap de la radicalité vivante en rappelant que l’internationalisme prolétarien lutte nécessairement contre tous les gangs impérialistes ; démocratique, staliniste et fasciste…

Dans le tract qui suit et intitulé À TOUS LES TRAVAILLEURS, probablement diffusé juste avant la fin des hostilités sur la période de mars-avril 1945, la Gauche Communiste de France – à contre-courant des lourds embrigadements de l’époque – prend date et, s’inscrivant dans le temps long des luttes de classe, souligne toute l’importance de l’internationalisme révolutionnaire. Évidemment, un tel texte est logiquement marqué par les contradictions et les limites de son temps. Il demeure notamment encore attaché à un langage et à un champ de vision caractérisé par le vieux monde de l’économie et de la politique. Mais tout ceci est bien normal, il faudra attendre quelques décennies plus tard la matérialisation du déterminisme advenu de la crise finale du Capital, pour saisir que contre toutes les droites et toutes les gauches, le mouvement communiste sera bien la fin de la démocratie, la mort de toute économie politique de la valeur d’échange et de son ultime contenu : le spectacle fétichiste du faux omni-présent.

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À TOUS LES TRAVAILLEURS !

Nous touchons à la fin de la deuxième guerre impérialiste en Europe. Comme celle de 14-18 elle devait apporter le bien-être et la liberté aux travailleurs. Elle devait apporter l’entente entre les peuples, être “la dernière des dernières”.Mais celle-ci comme l’autre n’a donné que massacres, ruines et misère.Plus sanglante que destructrice encore, elle n’a été déclenchée que pour les seuls intérêts d’une classe dominante : la bourgeoisie.Pendant ces cinq années, les charges, les restrictions, les bombardements et la tuerie sur les fronts ont été supportés par la classe exploitée : le prolétariat.Dans tous les pays où il est passé, le monstre impérialiste a laissé les mêmes traces, il a accompli la même besogne. “Libération” ou invasion, fascisme ou “démocratie”, c’est la guerre, l’anéantissement des foyers des travailleurs, les destructions, la mort et la famine pour ceux qui restent.Les opérations militaires se sont éloignées de nous mais elles se développent maintenant en Allemagne avec une violence accrue. Là-bas, comme hier dans les pays “libérés”, l’aviation détruit ville après ville, tue des centaines de milliers de travailleurs, disperse le prolétariat.

TRAVAILLEURS,

En Allemagne comme dans tous les pays, la division entre exploités et exploiteurs existe et est encore plus marquée, plus profonde. Le nazisme l’a poussé plus à fond avec ses mesures économiques et de répression politique contre les ouvriers. Aujourd’hui l’impérialisme Allié en déversant sa violence dévastatrice contre le prolétariat allemand ne fait que continuer l’œuvre de l’assassin Hitler et sa bande.Le capitalisme international, malgré ses contradictions, s’unit contre la menace d’une révolution prolétarienne. La lutte contre le nazisme n’est qu’un mensonge.La bourgeoisie mondiale se souvient de la vague révolutionnaire que la guerre de 14-18 avait déterminée. Elle se souvient de la révolution prolétarienne de 1917 en Russie et des mouvements de révolte des soldats, des grèves des ouvriers allemands qui mirent fin au massacre en 1918.Le capitalisme sait que comme en 1917 et 1918 la misère et les souffrances issues de cette boucherie pousseront les masses ouvrières à la révolte.Comme en 1918 le centre de la lutte entre la bourgeoisie et le prolétariat se trouve en Allemagne.C’EST POUR CETTE RAISON QUE LES ALLIÉS S’ACHARNENT AUJOURD’HUI CONTRE LES CENTRES INDUSTRIELS ET LES POPULATIONS OUVRIÈRES. C’est aussi pour cela qu’ils repousseront toute capitulation, même “sans conditions”, “jusqu’à ce que les armées alliées aient fait leur jonction au centre de l’Allemagne”. Ils préfèrent, face aux masses prolétariennes en révolte, conserver le GENDARME NAZI jusqu’à ce que cette jonction soit faite. Sur ce point ils sont tous bien d’accord : l’Armée “rouge” collabore aussi à cette tâche en rétablissant partout “l’ordre” et la domination capitalistes, en déportant en masse les ouvriers allemands des territoires occupés, en développant ses plans impérialistes. Elle ne se trouve pas du côté des ouvriers mais contribue à maintenir dans l’esclavage les masses exploitées du monde.

OUVRIERS DE TOUS LES PAYS !

Vous seuls avez la possibilité d’arrêter ce massacre, par votre force et votre volonté révolutionnaires. Votre ennemi ne se trouve pas au-delà des frontières mais dans votre propre pays. Partout déjà vous êtes obligés de recourir à votre seule arme, la grève, pour vous défendre contre les salaires de famine que les capitalistes vous imposent.En 1943, le prolétariat italien avec ses puissants mouvements contre le fascisme et la guerre avait indiqué la route à suivre. C’est maintenant le prolétariat allemand qui, resurgissant, reprend la lutte de classe. La révolte des soldats et des marins à Copenhague, Brême, Kiel, les grèves des ouvriers à Berlin, dans la Ruhr, les émeutes de Munich, sont les preuves éclatantes de ce combat héroïque.

MAIS LA GUERRE N’EST PAS TERMINÉE. ELLE EST DEVENUE UNE GUERRE DE CLASSE CONTRE LE PROLÉTARIAT.

Le capitalisme essaye avec le tapage assourdissant de la lutte contre la “peste brune” de vous empêcher de voir la réalité. Il veut vous interdire tout acte de solidarité et de fraternisation avec vos frères de classe, les ouvriers d’Allemagne.Aujourd’hui, dans ce pays, c’est le sort de la révolution prolétarienne mondiale qui se joue. La guerre civile en Allemagne c’est le début de la lutte de tous les travailleurs contre tous les responsables de la guerre, contre le régime qui l’a engendré : le capitalisme international.Si la bourgeoisie réussit à écraser les mouvements du prolétariat d’Allemagne c’est la révolution prolétarienne disloquée, c’est une troisième guerre impérialiste en perspective.

PROLÉTAIRES !

Il n’y a qu’un moyen d’empêcher les forces du capitalisme de développer leur plan : rétablir l’unité des forces révolutionnaires du prolétariat sur le front de la lutte de classes.Tous les actes de la vie ouvrière doivent devenir un refus de participer au massacre.PAR LES GRÈVES IL FAUT BOYCOTTER L’EFFORT DE GUERRE !Dans toutes les manifestations le cri “À BAS LA GUERRE !” doit relier tous les exploités quelle que soit la langue qu’ils parlent.

OUVRIERS DE TOUS LES PAYS ! SOLIDARISEZ-VOUS AVEC LES GRÉVISTES DE BERLIN ET DE LA RUHR !

SOLDATS ! RAPPELEZ-VOUS QUE LES OUVRIERS D’ALLEMAGNE SONT COMME VOUS DES EXPLOITÉS ET DES VICTIMES DU CAPITALISME.

VOTRE SEUL ENNEMI C’EST LA BOURGEOISIE MONDIALE.

FRATERNISEZ PAR-DESSUS LES FRONTIÈRES ARTIFICIELLES DU NATIONALISME.

LES PROLÉTAIRES N’ONT PAS DE PATRIE.

À BAS LA GUERRE IMPÉRIALISTE !

VIVE LA RÉVOLUTION PROLÉTARIENNE MONDIALE !

Gauche Communiste de France, Gauche communiste d’Italie.

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