Le combat pour la reconnaissance est un combat à la vie et à la mort.
Hegel, Précis de l’Encyclopédie des sciences philosophiques, 1817
La production des idées, des représentations et de la conscience est d’abord directement et intimement liée à l’activité matérielle et au commerce matériel des hommes, elle est le langage de la vie réelle. Les représentations, la pensée, le commerce intellectuel des hommes apparaissent ici encore comme l’émanation directe de leur comportement matériel. Il en va de même de la production intellectuelle telle qu’elle se présente dans le langage de la politique, des lois, de la morale, de la religion, de la métaphysique, etc. d’un peuple. Ce sont les hommes qui sont les producteurs de leurs représentations, de leurs idées, etc., mais les hommes réels, agissants tels qu’ils sont conditionnés par un développement déterminé de leurs forces productives et des relations qui y correspondent, y compris les formes les plus larges que celles-ci peuvent prendre. La conscience ne peut jamais être autre chose que l’Être conscient (das bewusste Sein) et l’Être des hommes est leur processus de vie réel. Et si, dans toute l’idéologie, les hommes et leurs rapports nous apparaissent placés la tête en bas comme dans une chambre noire, ce phénomène découle de leur processus de vie historique, absolument comme le renversement des objets sur la rétine découle de son processus de vie directement physique.
Marx-Engels, L’idéologie allemande
La révolution communiste, par conséquent, ne sera pas une révolution purement nationale. Elle se produira en même temps dans tous les pays civilisés, c’est-à-dire tout au moins en Angleterre, en Amérique, en France et en Allemagne. Elle se développera dans chacun de ces pays plus rapidement ou plus lentement, selon que l’un ou l’autre de ces pays possède une industrie plus développée, une plus grande richesse nationale et une masse plus considérable de forces productives…
… Elle exercera également sur tous les autres pays du globe une répercussion considérable et transformera complètement leur mode de développement. Elle est une révolution universelle ; elle aura, par conséquent, un terrain universel.
Engels, Principes du communisme
… Au sujet des Hébreux et des Arabes, ta lettre m’a beaucoup intéressé. On peut d’ailleurs 1. démontrer, pour toutes les tribus orientales, un rapport général entre le settlement ( mode d’établissement ) d’une partie d’entre elles et la persistance de la nomadisation chez les autres, depuis que l’histoire existe. 2. À l’époque de Mahomet la route commerciale Europe-Asie s’était modifiée considérablement, et les villes d’Arabie, qui prenaient une grande part au commerce en direction de l’Inde, se trouvaient commercialement en déclin, ce qui a en tous cas contribué à déclencher le mouvement. 3. Pour la religion, la question doit se fondre dans la question plus générale, à laquelle on peut, de ce fait, donner facilement réponse : pourquoi l’histoire de l’Orient apparaît-elle comme une histoire des religions ?
Marx à Engels, Lettre du 2 juin 1855
Non seulement le crime est normal, mais il est facile de prouver qu’il a bien des utilités.
Un philosophe produit des idées, un poète des vers, un curé des sermons, un professeur des bouquins, etc. Un criminel produit la criminalité. Mais si les liens entre cette branche soi-disant criminelle de la production et toute l’activité productrice de la société sont examinés de plus près, nous sommes forcés d’abandonner un certain nombre de préjugés. Le criminel produit non seulement la criminalité mais aussi la loi criminelle ; il produit le professeur qui donne des cours au sujet de la loi criminelle et de la criminalité, et même l’inévitable livre de base dans lequel le professeur présente ses idées et qui est une marchandise sur le marché. Il en résulte un accroissement des biens matériels, sans compter le plaisir qu’en retire l’auteur dudit livre.
De plus, le criminel produit tout l’appareil policier ainsi que de l’administration de la justice, détectives, juges, jurys, etc., et toutes ces professions différentes, qui constituent autant de catégories dans la division sociale du travail, développent des habiletés diverses au sujet de l’esprit humain, créent de nouveaux besoins et de nouveaux moyens de les satisfaire. La torture elle-même a permis l’invention de techniques fort ingénieuses, employant une foule d’honnêtes travailleurs dans la production de ces instruments.
Le criminel produit une impression tantôt morale, tantôt tragique, et rend un « service » en piquant au vif les sentiments moraux et esthétiques du public. Il ne produit pas seulement les livres de droit criminel, la loi criminelle elle-même, et ainsi les législateurs, mais aussi l’art, la littérature, les romans et les drames tragiques dont le thème est la criminalité, tel que Œdipe et Richard III, ou Le Voleur de Schiller, etc. Le criminel interrompt la monotonie et la sécurité de la vie bourgeoise. Il la protège ainsi contre la stagnation et fait émerger cette tension à fleur de peau, cette mobilité de l’esprit sans lesquelles le stimulus de la compétition elle-même serait fort mince. Il donne ainsi une nouvelle impulsion aux forces productrices. Le crime enlève du marché du travail une portion excédentaire de la population, diminue la compétition entre travailleurs, et jusqu’à une certaine limite met un frein à la diminution des salaires, et la guerre contre le crime, de son côté, absorbe une autre partie de cette même population. Le criminel apparaît ainsi comme une de ces « forces équilibrantes » naturelles qui établissent une juste balance et ouvrent la porte à plusieurs occupations soi-disant « utiles ».
L’influence du criminel sur le développement des forces productrices peut être détaillée. Est-ce que le métier de serrurier aurait atteint un tel degré de perfection s’il n’y avait pas eu de voleurs ? Est-ce que la fabrication des chèques bancaires aurait atteint un tel degré d’excellence s’il n’y avait pas eu d’escrocs ? Est-ce que le microscope aurait pénétré avec autant d’efficacité le monde commercial de tous les jours s’il n’y avait pas eu de faux-monnayeurs ? Le développement de la chimie appliquée n’est-il pas dû autant à la falsification des marchandises et aux tentatives pour y remédier, qu’aux efforts productifs honnêtes ? Le crime, par le développement sans fin de nouveaux moyens d’attaquer la propriété, a forcé l’invention de nouveaux moyens de défense, et ses effets productifs sont aussi grands que ceux des grèves par rapport à l’invention des machines industrielles.
Laissant le domaine du crime privé, y aurait-il un marché mondial, est-ce que les nations même existeraient s’il n’y avait pas eu de crimes nationaux ? L’arbre du mal n’est-il pas aussi l’arbre du savoir depuis le temps d’Adam ? Le jour où le Mal disparaîtra, la Société en serait gâtée, si même elle ne disparaît pas !
Marx, Bénéfices secondaires du crime – Manuscrits de 1861-1863
Le lumpenproletariat – cette lie d’individus déchus de toutes les classes qui a son quartier général dans les grandes villes – est, de tous les alliés possibles, le pire. Cette racaille est parfaitement vénale et tout à fait importune. Lorsque les ouvriers français portèrent sur les maisons, pendant les révolutions, l’inscription : « Mort aux voleurs ! », et qu’ils en fusillèrent même certains, ce n’était certes pas par enthousiasme pour la propriété, mais bien avec la conscience qu’il fallait avant tout se débarrasser de cette engeance. Tout chef ouvrier qui emploie cette racaille comme garde ou s’appuie sur elle, démontre par là qu’il n’est qu’un traître.
Engels, Préfaces de 1870 et 1875 à la Guerre des paysans.
La révolution russe, cette même révolution qui constitue la première expérience historique de la grève générale, non seulement ne réhabilite pas l’anarchisme, mais encore aboutit à une liquidation historique de l’anarchisme…
… l’anarchisme est absolument inexistant dans la révolution russe comme tendance politique sérieuse. On note seulement à Bialystok, petite ville de Lituanie où la situation est particulièrement difficile, où les ouvriers ont les origines nationales les plus diverses, où la petite industrie est très éparpillée, où le niveau du prolétariat est très bas, parmi les six ou sept groupements révolutionnaires différents une poignée d’ « anarchistes » ou soi-disant tels qui entretiennent de toutes leurs forces la confusion et le désarroi de la classe ouvrière. On peut aussi observer à Moscou et peut-être dans deux ou trois villes une poignée de gens de cette espèce. Mais à part ces quelques groupes « révolutionnaires », quel est le rôle propre joué par l’anarchisme dans la révolution russe ? Il est devenu l’enseigne de voleurs et de pillards vulgaires ; c’est sous la raison sociale de « l’anarcho-communisme » qu’ont été commis une grande partie de ces innombrables vols et brigandages chez des particuliers qui, dans chaque période de dépression, de reflux momentané de la révolution, font rage. L’anarchisme dans la révolution russe n’est pas la théorie du prolétariat militant mais l’enseigne idéologique du Lumpenproletariat contre-révolutionnaire grondant comme une bande de requins dans le sillage du navire de guerre de la révolution. Et c’est ainsi sans doute que finit la carrière historique de l’anarchisme.
Rosa Luxemburg, Grève de masse, parti et syndicat – 1906
La monstruosité de la guerre actuelle dans sa mesure, ses moyens, ses buts, ne dissimule rien, mais au contraire — elle découvre, révèle. Nous en reparlerons — de cela et d’autres choses.
Karl Liebknecht, Lettre à son fils – octobre 1915
L’action du lumpenprolétariat qui ne sait que piller et détruire…
Anton Pannekoek, Action de masse et révolution
Par conséquent, Marx divise la population ouvrière, la classe prolétarienne, dans les catégories suivantes :
1) Armée industrielle active, les ouvriers ayant un emploi.
2) Surpopulation flottante, ouvriers qui entrent et qui sortent des usines selon l’évolution de la technique et les modifications qu’elle entraîne dans la division du travail.
3) Surpopulation latente, ouvriers qui quittent la campagne pour l’industrie quand ils le peuvent, en raison de leur difficulté à vivre aux marges de l’économie agraire.
4) Surpopulation stagnante, qui n’est que rarement appelée par la grande industrie: travailleurs à domicile, ouvriers employés dans des activités marginales et pour un salaire très bas.
5) Paupérisme officiel: a) chômeurs chroniques, bien que capables de travailler; b) orphelins ou enfants des pauvres; c) invalides ou inaptes au travail, veuves, etc.
6) En dehors de la classe ouvrière, et dans ce qu’on appelle le « lumpenproletariat »: délinquants, prostituées, pègre.
Amadeo Bordiga, n°40/1949 de Battaglia Comunista
Au sud de la Méditerranée post-byzantine, a toujours prédominé une histoire immobilisée dans la frayeur de l’ouverture critique et dans l’angoisse de la féminité.
L’exaspération fétichiste de la virilité qu’on y rencontre est là le signe d’une impuissance qui a du mal à se travestir et qui du coup, recouvre et voile tout ce qui exprime l’inquiétante forme sensuelle de la femme par une avalanche informe de copieux accoutrements délibérément anti-sensuels.
Les sens sont aussi une des formes de signification par lesquelles le sens se signifie. Dans l’univers mental de l’aliénation spectaculaire, la virilité est d’autant plus embarrassée et inconsistante que l’insensé de l’indistinction ne peut que favoriser le sens indistinct et donc l’insensible sensualité indéterminée.
La grossièreté forcenée et violente des caïds de banlieue qui contraint les filles au survêtement en leur proscrivant la jupe et en assortissant cette dernière des habituelles insultes de « pute » et de « salope » exprime le contraire de l’apparence de son dire. Elle est en réalité d’autant plus déchaînée et véhémente qu’elle témoigne d’une angoisse extrême puisque tout ce qui peut activer le désir masculin en rappelle là simultanément la vulnérabilité et la faillibilité.
La machine à dénaturation est rodée d’une implacable manière et elle dit exclusivement l’interchangeabilité indifférenciante qui a pour seul universel l’équivalence générale de la marchandise.
La société multiculturelle qui a donc là pour objet de diluer et d’invalider la pensée critique de la temporalité réversible dans la pensée anti-critique du temps de la clôture marchande, ambitionne que la jeunesse européenne se comporte de plus en plus selon le modèle « culturel » des banlieues tagées mentalement et avides de « look yankee » et de consommation marchande effrénée.
Le spectacle de l’indistinction marchande souhaite que par l’immigration, la passivité propre aux temporalités closes se répande plus massivement et fermement encore pour consolider le culte de l’argent.
Le fétichisme de la marchandise a donc conclu une compromission historique avec les perceptions historiques fixes propres à l’Afrique et à l’Orient. Le temps des irréversibilités qui y règne vient ainsi se couler et s’ajuster dans l’ère de la marchandisation dont il renforce l’indistinction.
La réalité du spectacle de l’indistinction est la réalité de l’inversion spectaculaire qui spectacularise l’inversion de la réalité dont l’ « immigration » est la justification liturgique en tant que nécessité stratégique de la vie fausse dans l’indistinction anti-critique.
Lorsque dans la trajectoire de la Commune de Paris, le projet révolutionnaire de renverser l’indistinction marchande eut trouvé ses marques essentielles autour du dessein d’une communauté humaine universelle débarrassée des spectacles aliénatoires, il fut toujours évident pour la pensée radicale que cette ambition, bien loin de « métisser » l’humanité dans un mélange culturel qui fusionnerait la vision ouverte de l’histoire propre au continent européen et les représentations fermées de l’Afrique et de l’Orient, devait au contraire être l’universalisation subversive de la conception du temps transformable caractéristique justement de l’histoire européenne.
CRITIQUE DE LA SOCIETE DE L’INDISTINCTION
Alstom absorbé par General Electric, Peugeot et Renault boutés hors d’Iran par General Motors, la BNP condamnée par la justice américaine… Tout se tient dans le cercle infini des combinaisons et déploiements où œuvrent les zélés serviteurs des réseaux de la finance du cosmopolitisme de la marchandise… Le Hollande n’est là qu’un domestique pitoyable encore plus calamiteux que le Sarkozy et l’actuel locataire américaniste de l’Elysée aiguillonné par le pauvre Macron de Rothschild est en train d’inféoder Paris à Washington dans des proportions de reptation jusqu’alors inconnues.
L‘économie de la finance américaine a ainsi pour l’avenir tous les moyens adéquats lui permettant d’empêcher toute élaboration d’autonomie diplomatique pouvant survenir d’Europe puisque tous les espaces prédominants de réflexion institutionnelle virtuelle y sont irrémédiablement otanisés dans une totale yankeesation financière de l’économie articulée à une opulente vassalisation culturelle.
Plus la crise de la domination réalisée de la valeur se réalise, plus la fourberie et la duperie étatiques se développent par le biais de vastes cinématographies qui renforcent à l’infini le contrôle technique et policier nécessaire à l’approbation unanimiste des citoyens amorphes et vaseux de la tyrannie salariale. Les réseaux terroristes clandestins obéissent scrupuleusement aux services spéciaux de la sécurité étatique qui réalisent de cette manière les plans généraux des souterrains occultes de la crise totale de la marchandise et le premier fantassin abruti des banlieues racailleuses du djihad du trafic peut ainsi s’imaginer – dans l’opacité de filières toujours plus triturées et obscurément hermétiques – combattre la puissance qui en réalité le commandite, l’actionne et l’utilise…
… On commet une très lourde erreur lorsque l’on s’exerce à vouloir expliquer quelque attentat ou homicide mystérieux en opposant la terreur à l’État puisqu’ils ne sont jamais en rivalité. Bien au contraire, la théorie critique vérifie avec aisance ce que toutes les rumeurs de la vie pratique avaient si facilement rapporté lors des très enténébrées disparitions de Robert Boulin et de Pierre Berégovoy en France ou plus encore celles des frères Kennedy aux USA ou bien de Yitzhak Rabin en Israël. L’assassinat n’est pas étranger au monde policé des hommes cultivés de l’État de droit car cette technique de mise en scène y est parfaitement chez elle en tant qu’elle en est désormais l’articulation de l’un des plus grands quartiers d’affaires de la civilisation moderne.
Au moment arrivé de la tyrannie spectaculaire de la crise du capitalisme drogué, le crime règne en fait comme le paradigme le plus parfait de toutes les entreprises commerciales et industrielles dont l’État est le centre étant donné qu’il se confirme là finalement comme le sommet des bas-fonds et le grand argentier des trafics illégaux, des disparitions obscures et des protections cabalistiques.
Commentaires sur l’extrême radicalité des temps derniers…











