DE LA LUTTE ET DE LA GUERRE DES CLASSES COMME MOUVEMENT COMMUNISTE DU RETOUR A LA COMMUNAUTÉ HUMAINE DE L’ÊTRE ENFIN ACCOMPLI EN SON LUI-MÊME…OU COMMENT L’ESSENCE DE L’HOMME EST L’ÊTRE DE L’ANTI-POLITIQUE…

« Tandis que les serfs fugitifs ne voulaient que développer librement leurs conditions d’existence déjà établies et les faire valoir, mais ne parvenaient en dernière instance qu’au travail libre, les prolétaires, eux, doivent, s’ils veulent s’affirmer en tant quêtres humains, abolir leur propre condition d’existence antérieure, laquelle est, en même temps, celle de toute la société jusqu’à nos jours ; ils doivent abolir le travail. Cest pourquoi ils se trouvent, de ce fait, en opposition directe avec la forme que les individus de la société ont jusqu’à présent choisie pour expression d’ensemble, c’est-à-dire en opposition avec l’État et il leur faut renverser lÉtat pour réaliser leur personnalité. »

Marx et Engels –  L’idéologie allemande

 « … Dans le dernier chapitre de mon 18 Brumaire, je remarque… que la prochaine tentative de révolution en France devra consister non plus à faire passer la machine bureaucratique et militaire en d’autres mains, comme ce fut le cas jusqu’ici, mais à la détruire. »

Marx Lettre à Kugelmann, le 12 avril 1871

« L’émancipation du prolétariat aura, elle aussi, une expression particulière et une nouvelle méthode de guerre spécifique. Cela est évident. On peut même déterminer cette stratégie à partir des conditions matérielles dexistence du prolétariat. »

Engels –  Écrits militaires

Au moment où le capital a intégralement digéré la politique, grâce à la domination désormais totalement réalisée de la valeur qui s’est débarrassée de tout ce qui l’avait précédée dès lors qu’elle ne l’avait pas absorbé, la critique sociale de la domination se pose d’abord comme une exigence de compréhension généalogique des formes historiques du politique, de ses nécessités de paix et de ses obligations de guerre. Au lieu de poursuivre la réhabilitation de la politique comme s’y emploient tous les courants de pouvoir de la conscience fausse, le questionnement du réel historique existant doit remonter à la véritable essence des chaînes de l’esclavage en étant attentif à dénoncer toutes les entreprises idéologiques qui, ayant pour objet la transformation de l’État, barrent la voie, sous le couvert de renouvellement politique, à l’émancipation humaine.

La guerre est une dynamique d’in-humanité mais comme tout ce qui est in-humain du point de vue du sens, elle est aussi une spécificité foncièrement humaine au niveau de la matérialité pratique qui la rend possible lorsque l’être humain communautaire des temps premiers bascule graduellement dans la temporalité sociale du temps de l’avoir. Certes, les animaux chassent et tuent pour se nourrir mais ils ne se font pas la guerre. Et les seuls animaux qui connaissent la destruction organisée de l’autre d’une façon qui pourrait se rapprocher vaguement de la guerre des hommes sont les insectes sociaux comme les termites et surtout les fourmis. Mais ces derniers à l’inverse des êtres humains qui combattent et détruisent dans un imaginaire d’aliénation où l’intentionnalité a cependant toute sa part, attaquent et anéantissent dans une mécanique d’automatisme où l’esprit est inexistant.

L’homme est un animal historique qui peut accéder à la conscience de l’histoire et c’est l’histoire de cette conscience qui lui permet d’accéder à lui-même. L’homme a vécu un temps non-politique où la communauté ignorait la division du vivre et où les conflits de l’agir ne dégénéraient jamais qu’en guerre ponctuelle et limitée. Il a vécu ensuite un temps politique où la société a diffusé le vivre de la division et de l’agir conflictuel qui génère la guerre de plus en plus illimitée et permanente…

Les communautés primitives constituent des groupes humains dont la violence est équilibrée dans la maintenance d’une dynamique sociale qui a d’abord pour objet d’empêcher le morcellement de l’être et l’émiettement dans les dispersions de l’avoir. Au cœur des communautés de l’être, la guerre est ainsi un rituel commun qui préside à cet exercice de perpétuation de l’ordre anti-économique et anti-politique par lequel est bloquée la dialectique de l’échange et du dé-membrement par les collisions avec l’externe. La guerre est ici un acte d’attaque contrôlé destinée à sauvegarder l’indivision par la neutralisation du potentiel des conquêtes in-maîtrisables de la déchirure qui résulterait de l’échangisme venu de l’extérieur.

Dé-fier le voisin et lui faire de temps à autre une guerre courte et localisée, c’est là tout bonnement rechercher le paravent à un voisinage qui sans cela deviendrait échangiste car si l’ennemi est celui avec qui on ne troque pas, la guerre se signale consubstantiellement comme le mode de relation à l’autre le plus évident pour précisément neutraliser l’enclenchement de la dérive transactionnelle. Ainsi, la paix pour les communautés primitives prend-elle la place historique et symbolique d’un simple intermède qui ne saurait durer puisque par-delà la restitution des captifs qu’elle permet régulièrement, elle exposerait si elle se prolongeait à ce que soient instaurées les bases commerciales d’une déperdition vers l’avoir.

Aux origines de l’énonciation, on trouve deux mots latins pour désigner l’étranger : hospes et hostis. La dualité est là le signe historique de ce par quoi s’affirme l’étranger. L’étranger est à donc à la fois l’hôte imaginable et l’ennemi envisageable.

Hospitalité et hostilité sont donc ces deux tendances contradictoires et complémentaires par lesquelles peut se définir la nature du possible relationnel à l’égard de l’autre. Le contenu étymologique des mots révèle ici trois acceptions sociales: celle de la personne qui accueille, celle de la personne qui est accueillie et dans ce dernier cas, celle de l’étranger. Enfin, hostis acquiert une quatrième signification qui lui assigne la valeur d’ennemi. Nous sommes là en présence d’antinomies sémantiques parfaitement logiques qui mettent en rapport direct celui qui est signalé comme étant différent par son origine distincte, celui que la communauté juge digne de son hospitalité en temps de paix, de troc et de palabres et celui envers lequel elle éprouve une franche hostilité en temps de guerre lorsqu’il convient sans cesse d’aller recréer cet espace de violence contrôlée qui rend impossible la profusion irrépressible des prédations de l’acquisition.

Qu’en est-il de la réalité du produire dans la communauté primitive ? A cette question fondamentale, la réponse classique du discours économique de la justification mensongère est la suivante : la communauté archaïque survit dans un monde de subsistance et de pauvreté et elle parvient tout au plus à simplement assurer la survie du groupe incapable qu’elle est de sortir du sous-développement technique. Le sauvage écrasé par son environnement écologique et sans cesse guetté par la famine et l’angoisse, telle est donc l’image officielle habituellement répandue par les savoirs de la légitimation universitaire et médiatique du faux.

Travestissement théorique et pratique des faits, réplique forcément Marx confirmé d’ailleurs par tous les travaux sérieusement effectués sur le terrain et notamment ceux de Marshall Sahlins qui passant en revue détaillée et chiffrée les cadres de vie des chasseurs australiens et Bochimans ainsi que ceux de multiples groupes néolithiques d’agriculteurs primitifs tels qu’on pouvait encore les observer au siècle dernier en Afrique ou en Mélanésie, au Viêt-Nam ou en Amérique du Sud, démontre que non seulement la communauté primitive n’est pas un monde de misère mais qu’elle est a contrario la première et jusqu’à présent la seule structure sociale d’abondance connue. Comme le souligne Engels, si l’homme primitif des forêts germaniques ou canadiennes ne rentabilise pas son activité, ce n’est non pas par ce qu’il ne sait pas le faire, mais parce qu’il n’en a ni le besoin ni l’envie.

La communauté primitive produit, sans y passer beaucoup de temps et sans dépenser beaucoup d’énergie, exactement et exclusivement ce dont elle a besoin pour pouvoir reproduire son pouvoir de production communautaire qui est le seul pouvoir qu’elle accepte et reconnaisse. Quant à la violence qui la traverse de façon éminemment symbolique et limitée, loin d’avoir ses racines dans une instance de pure animalerie biologique qui déboucherait sur une sorte de chasse à lhomme étroitement pulsionnelle, elle manifeste simplement la nécessité de maintenir l’unité spatio-temporelle de l’être ensemble contre le péril des scissions spatiales de la temporalité commerçante à venir.

Ainsi, la violence primitive ne repose nullement sur le poids de la rareté qui découlerait des difficultés d’existence et de subsistance propres aux milieux particulièrement hostiles (forêt amazonienne, steppes euro-sibériennes ou déserts arides…) ne permettant pas aux populations indigènes de pouvoir maîtriser ces environnements ingrats qui les condamneraient dès lors à une irrésistible pauvreté ne pouvant leur procurer que le minimum vital à la simple survie. La guerre, bien loin donc d’être là, le seul moyen de se procurer les ressources essentielles au détriment des autres vient dire que les communautés primitives de l’abondance ne peuvent se penser et se réaliser qu’en excluant l’échange avec l’autre et que le souder dans le conflit armé est le mouvement communautaire qui réduit là tout autant les risques de division interne que de dissolution externe.

L’in-admissible pour les communautés primitives serait d’accepter le clivage interne qui mène à la perte d’autonomie et cela nous éclaire sur leur volonté de ne jamais faire de guerres définitives et sans restriction puisqu’un tel cas de figure impliquerait justement la division de ces mondes en un vaincu et un vainqueur, entraînant une dépendance de l’un vis-à-vis de l’autre et la perte immédiate de leur homogénéité globale et particulière.

Pour éviter tout risque de défaite totale, il est donc impératif de créer des alliances avec d’autres tribus, ce qui renforce en parallèle l’élargissement des dons, contre-dons et trocs et les explique sous un nouvel angle : il y a du contact parce qu’il y a de l’alliance, et non pas le contraire. La communauté peut d’ailleurs adopter des étrangers et, de ce fait, les admettre comme membres d’elle-même. Ainsi, chez les Iroquois, les prisonniers de guerre qu’on ne tuait pas devenaient, par adoption, membres de la tribu et recevaient de ce fait toutes les prérogatives d’identité de la tribu. La réception solennelle dans la communauté avait lieu en présentation publique devant l’assemblée générale communautaire, ce qui en faisait véritablement un moment cosmique du perpétuel refonder. La communauté primitive cherche avant tout l’autonomie et l’anti-hiérarchie, et c’est pour les conserver qu’elle consent à contacter dans un réseau d’alliances et de choix déterminés ayant avant tout comme finalité de repousser les changements de l’échange.

A l’opposé, dans les temps advenus de la société de l’avoir et du règne de l’économie et de la politique, la guerre n’a plus pour fonction de bloquer le possible développement des espaces du pouvoir de la quantité. Tout à l’envers de ce que l’on pouvait rencontrer dans les communautés de l’être, les sociétés de la possession font la guerre, non pas de manière mesurée, mais de façon de plus en plus immensurable, non pas pour restreindre le plus possible le champ des perditions dans les espaces du calcul mais, au rebours, pour atteindre les extensions de calcul les plus étendues possibles dans l’espace de la perte de l’être.

La guerre des communautés primitives est un cercle combattant qui entoure l’être communautaire pour le rendre im-perméable à la dialectique de l’avoir. La guerre des sociétés de l’avoir est une spirale de conflits toujours plus vastes, effrénés et terribles pour que l’appropriation rende tout perméable à son totalitarisme ascendant.

Alors que la guerre des communautés primitives vise à finalement prévenir l’apparition des sociétés de l’avoir, les guerres du pouvoir de la rentabilité ont, elles, pour objectif d’étendre à l’infini l’extension du devenir de la possession. Dans les temps monarchiques pré-capitalistes qui ont succédé à la destruction civilisationnelle de la vieille communauté de l’être par la division fonctionnelle du Tout primordial en sphères militaire, religieuse et paysannes séparées, la guerre est le langage politique des valorisations foncières du temps de lespace. La guerre moderne de l’hécatombe totale comme économie politique des rentabilisations marchandes de l’espace du temps de la valeur ne se manifeste en tant que modernité de l’avoir triomphant qu’après que la dynamique du prêt dargent à l’État royal pour briser les féodaux ait elle-même démoli la monarchie puis balayé la bourgeoisie supplantée définitivement par la dictature anonyme et impersonnelle du langage hors-sol de la classe capitaliste de l’anti-qualité absolue.

Demain, pour imposer le surgissement de la vérité du vivre l’être, l’humanité devra liquider le temps politique de la guerre et de la paix qui ne sont que les deux faces de la même séquestration commerciale puisque la paix désigne tout simplement l’état de calme et de tranquillité aliénatoires qui prépare les perturbations et l’agitation à venir du conflit militaire par lequel va naître un répartir plus avancé du pouvoir des échanges.

La paix n’est rien d’autre qu’un intervalle entre deux guerres et si la guerre s’oppose à la paix c’est exclusivement en ce qu’elle s’y articule comme son opposé sur le même territoire de domestication politique et économique des hommes qui, chair à travail ici, chair à canon là, demeurent de toute manière des objets de consommation violemment expropriés de leur propre existence et réduits au rôle de simples trophées sociaux de la pseudo-vie.

L’essence du politique est une activité consubstantielle à l’existence humaine dès lors que l’homme cesse d’exister humainement et que la communauté de l’être se dé-compose pour laisser place à la société de lavoir et du séparé qui pour unifier ce qui ne l’est plus fait appel au surgissement de l’étatique lequel n’est pas le résultat d’une convention mais d’une aliénation de l’essence naturelle de l’homme qui dé-génère en inversion culturelle de son lui-même.

La politique n’est ainsi pas autre chose que l’art aliénatoire d’établir, de cultiver et de conserver entre les hommes domestiqués les conditions nécessaires, essentielles et homogènes de la vie sociale de la domestication adéquate aux impératifs des commandements de l’avoir.

L’économie politique de l’oppression, représente la conséquence et l’accomplissement du mouvement historique de perte et d’oubli de la communauté de l’être qui commence avec le surgissement politique de la société et l’érection sociale du politique. Si les pré-socratiques pensent l’alerte ontologique et unitaire du cosmos total de l’être en un temps où celui-ci vient visiblement d’être éclaté par la temporalité aliénatoire des Cités, à partir de Socrate et de Platon ne va cesser de se poursuivre, de chimère méta-physique en fantasmagorie esthétique et de duperie éthique en hallucination politique, le travail mystificateur des spécialisations du séparé et de la conscience fausse qui conduisent insensiblement au triomphe des temps modernes de la marchandise. L’économie du pouvoir qui est née de la mort de la communauté première est l’expression théologico-politique de l’oubli de l’être parvenu à son accomplissement. C’est en cela qu’elle est le règne du néant de la vraie vie.

Dans la communauté primitive, il n’y a pas d’organe séparé du pouvoir parce que le pouvoir n’est pas sépare de la communauté parce que c’est elle qui le détient comme totalité du détenir de l’ensemble de ses capacités à être et à préserver cet être. L’exemple des communautés primitives de tous les continents nous enseigne que la division n’est pas inhérente à l’être du groupe et qu’en d’autres termes l’État n’est pas éternel puisqu’il a, ici et là, une date de naissance et qu’il aura aussi d’ailleurs une date de mort.

Pourquoi a-t-il émergé ? La question de l’origine de l’État doit être précisée ainsi : à quelles conditions une communauté cesse-t-elle d’être primitive ? La réponse est simple : lorsqu’elle devient une société c’est-à-dire quand le mouvement de l’avoir dissociant prend le pas sur la dynamique de l’être ensemble.

La dialectique historique de l’avoir produisant la propriété privée n’apparaît en aucune façon dans l’histoire comme résultat second d’un processus premier de violence politique. A l’intérieur même de la communauté primitive, la production historique de la dynamique de l’avoir évolue d’abord dans l’échange avec des communautés étrangères jusqu’à faire naître progressivement la forme marchandise elle-même. Plus les produits de la communauté prennent alors le chemin de cette formalisation propriétarienne, c’est-à-dire moins il en est produit pour l’usage propre du producteur plus ils sont produits dans un but échangiste, plus l’échange s’en vient à l’intérieur même de la communauté elle-même, supplanter la structuration naturelle du produire primitif, plus l’état de ressources des divers membres de la communauté se différencie en devenant dis-proportionné, plus la vieille communauté de l’être ensemble se voit profondément minée, plus cette communauté s’achemine rapidement vers sa désintégration en une société de paysans parcellaires.

Partout où la propriété privée se constitue, elle est la conséquence de rapports de production et d’échange qui ont modifié le possible communautaire jusqu’à le rendre impossible. La violence ne joue ici en ce mouvement du dissoudre qu’un rôle secondaire et postérieur puisqu’il est évident que l’institution de la propriété privée doit d’abord exister, avant qu’une dynamique historique de prédation puisse éventuellement s’approprier le bien d’autrui. La violence politique peut certes dé-placer la possession, mais elle ne peut pas engendrer la propriété privée en tant que telle. C’est au contraire, le privé appropriatif qui engendre la politique de la violence afin que le pouvoir puisse sécuriser le posséder, la place de la possession, la protection et l’élargissement de ses placements.

La politique est avant tout affaire aliénée de puissance de pouvoir. Agir politiquement, c’est exercer le pouvoir de puissance de l’aliénation qui est l’autre nom de la société quand celle-ci a remplacé la communauté. Hobbes et Rousseau sont en contre-pied l’un de l’autre mais sur le même terrain idéologique de la falsification sociale qui ne sait pas ce que fut la communauté et qui voit en l’État la finalité de toute réalité humaine. Le second fait de ce qu’il appelle l’état de nature un monde solipsiste où le rapport à l’autre n’est vécu qu’au travers du prisme déformant de sa propre in-émotionalité narcissique pendant que le premier, témoin accablé de la guerre civile qui fait alors rage dans l’ Angleterre de son temps, y voit une guerre permanente de tous contre tous. Mais par-delà leurs divergences qui renvoient en miroir inversé à la même logique contractualiste de la raison marchande, le Léviathan et le Contrat social disent bien cette même dogmatique de l’éternélisation étatique pour qui hors la politique, point de salut…

Certes, contre les spécialistes de la mystification gouvernementale selon lesquels tels les modernistes marchands à la Grotius, le commerce des volontés a créé la société, s’opposent bien évidemment les conservateurs de la théologie politique tels Bossuet et Bonald pour qui la Cité est indissociable de la nature humaine mais les divergences entre ces diverses écoles expriment là uniquement les diversités complémentaires d’un même regard erroné sur le terrain de la mythologie des appropriations du pouvoir.

L’essence du politique, ce n’est pas que la politique est une activité consubstantielle à l’existence humaine mais que bien au contraire elle résulte du fait que l’activité humaine lorsqu’elle cesse d’être communautaire autour de son être unitaire générique, doit nécessairement s’unifier en un social qui réunit politiquement le scissionné par l’avoir pour permettre le vivre ensemble de l’ayant et du scissionnant.

Aristote et ses multiples héritiers soutiennent que l’homme est par nature un être politique et social et que l’état politique ne dérive donc pas d’un état antérieur contrairement à ce qu’affirment les théoriciens du contrat. Pour l’auteur de la Politique, il n’y a jamais eu d’état de nature pré-politique ou pré-social et là il se trompe. Mais le précepteur d’Alexandre a raison quand il pose la politique comme intrinsèque à la société et lorsqu’il expose qu’elle n’est pas le résultat d’une convention pendant qu’il a tort de caractériser l’homme d’abord comme animal politique. En effet, l’homme est un animal historique qui n’a découvert la politique que du jour où la communauté de l’être a éclaté pour devenir la société des domestications de l’avoir et du politique qui en est l’instrument d’unification.

Ainsi et contrairement à ce qu’imagine Aristote, l’homme n’est pas une animalité définie par la spécificité du politique. C’est un animal historique défini spécifiquement par l’histoire et qui passe sous la domination politique de la conscience fausse lorsque la communauté de l’être cède historiquement la place à la société de l’avoir. Le politique réunit les hommes du séparé, mais il ne les réunit qu’en tant que séparés-ensemble dans l’ordre de la division du travail qui génère l’aliénation infinie des spécialisations qui cristallisent le vivre dans l’en-fermer (artisanat/agriculture, villes/campagnes, intellectuels/manuels).

Héraclite et Parménide nous parlent de l’unité cosmique d’un logos qui est en train de disparaître à l’âge ascendant des calculs de la polis et de la politique. Aristote, en prolongement du subjectivisme aliénatoire de Socrate et du gouvernementalisme platonicien, nous élabore alors la grande symphonie du diviser des justifications mensongères de la spécialisation (rhétorique, physique, métaphysique… et bien entendu… politique…) lorsque le temps de la spécialisation du pouvoir peut enfin passer son temps à monologuer l’infinie justification de l’institutionnalisation du fractionnement et de la dis-jonction sociale.

La définition pré-socratique du réel comme identification de la vérité de l’être et de l’être de la vérité est un regard sur l’essence de la vérité qui se fonde fondamentalement comme anti-socratique puisqu’il s’oppose radicalement à cette illusion aliénatoire selon laquelle le lieu de la vérité résiderait dans le jugement capable de positionner une correspondance intellectuelle de bonne convenance au réel. Le pré-socratisme renvoie au souvenir d’un temps sans médiation où la communauté de l’être comme auto-mouvement de son saisir n’avait pas encore sombré dans le dé-saisissement généré par la société de l’avoir telle que celle-ci engendre le fourvoiement dans les assertions propositionnelles du politique et l’égarement dans les politiques proposées de l’assertion.

La machine politique de l’aliénation rompt le lien avec les dynamiques cosmiques du Tout puisqu’elle est politique d’aliénation machinique de l’appropriation et du diviser. Contre l’infinie variation de toutes les errances du cogito de maîtrise et de possession de la technologie d’asservissement de la nature et de l’homme qui enregistre, classe et met en ordre les dé-compositions du vivre, il faudra attendre le temps des grandes fractures historiques pour qu’en poursuite/dé-passement de Hegel, Marx comme expression du mouvement réel vers l’auto-abolition du prolétariat, permette le retour de la vérité en son essence en tant que pratique radicale de coïncidence du dé-voilement et du dé-voilé.

Est politique tout acte de regroupement qui se fait dans la perspective de l’épreuve de force pour éprouver et prouver les champs du bénéfice. C’est le conflit de la possession avec l’ennemi qui fonde l’existence du développer de l’unité politique des territoires de l’avoir lorsque ceux-ci ont remplacé la communauté de l’être. Ce n’est pas l’État qui crée le regroupement en vue des hostilités mais le regroupement en vue des hostilités de l’acquérir qui fait l’État et qui fortifie la société dans son identité post et anti-communautaire. Le propager de la guerre naît de l’hostilité propre à l’économie politique du posséder en tant que négation existentielle d’altérités possessives sur le terrain antagonique de la compétition de pouvoir et comme actualisation ultime de l’hostilité pour l’ accroître de laccumuler.

Locke et ses héritiers sécularisent la théologie du politique, de Maistre et ses épigones théologisent la politique séculière mais tous se présentent comme les serviteurs de cette pseudo-vie d’anti-conscience qui, seule, reste aux hommes dès lors que la société de l’avoir se soumettant toute réalité, l’on finit par oublier l’usage et le sens de la communauté de l’être.

Les penseurs du politique et de l’État bien loin de révéler le sens profond des causes premières de ce sur quoi ils se sont spécialisés sont le principal obstacle à leur intelligence. En effet, les hommes n’entrent pas en société pour se protéger humainement et assurer ensuite la pérennité de cette stabilité obtenue pas plus que la politique n’est née de la soif de domination et d’une volonté innée de pouvoir.

La fameuse discrimination symbolique de l’ami et de l’ennemi a d’abord eu un très long temps anti-politique lorsque les groupes qui s’affrontaient ici où là aux marges de territoires qui ignoraient encore l’essor de l’économie du posséder ne connaissaient pas l’existence d’un pouvoir politique séparé de leur immanence communautaire et faisaient tout d’ailleurs pour empêcher son ad-venir. Les communautés germaniques ont ainsi préservé durant des millénaires un type d’exister anti-étatique aux antipodes absolus de la servitude civilisationnelle telle qu’elle s’est développée bien plus tôt chez les Celtes et plus encore chez les Grecs et les Romains …

La polarité hostilité/non-hostilité n’est devenue ensuite essentiellement politique qu’à partir du moment où le groupe humain a vu se déstructurer les traditions communistes de l’ordre gentilice premier et à mesure que le développement propriétarien de l’acquérir et des prépondérances sociales internes au groupe a codifié la force du pouvoir du séparé qui devait en tant que dialectique de politisation tout en même temps homogénéiser l’hétérogéneité de l’intérieur et faire face aux concurrences de l’extérieur…

Selon la conception ontologique du communisme, le facteur déterminant, en dernier ressort, dans l’histoire, c’est la production et la reproduction de la vie immédiate. Société, propriété et commandement, ne sont pas des institutions nées avec l’espèce humaine et dont celle-ci a besoin pour vivre la réalité de son être. Lorsque ces trois institutions firent leur apparition en même temps que la dialectique de lavoir, les hommes vivaient depuis longtemps en communauté. En démontrant cela de façon rigoureuse, l’histoire démontre aussi qu’un jour ces trois institutions disparaîtront. Et la guerre de classe révolutionnaire du retour à la communauté de l’être n’écrit pas en son projet la modification, la réforme ou la transformation mais la destruction de ces trois bases de la civilisation : société, propriété, État.

Pour dé-chiffrer le devenir humain véritable, le premier acte d’intelligence consiste à expulser le politique de la place centrale qu’il occupe dans le réel réécrit par l’anthropologie étatique en tant que savoir du contrefait pour recentrer la problématique de son apparition autour de la notion de meneur dans la communauté. La connaissance de cette notion de conducteur est innée dans toute communauté, ce qui explique cette tendance naturelle de l’homme à préserver son autonomie vis-à-vis de celui qui conduit en imposant la non-spécialisation. Les communautés sont donc perçues par ceux qui y vivent comme étant des totalités organiques faites d’un réseau de normes complexes et riches qui empêchent activement l’expansion d’un pouvoir séparé à partir d’une autonomisation de la responsabilité.

En opposition, l’État est alors cette constellation politico-législative émanant d’un pouvoir hiérarchique qu’elle légitime, tout particulièrement dans ces communautés qui ont échoué à maintenir en place les mécanismes naturels de régulation qui les empêchent de prendre la forme de sociétés. Il en est ainsi de l’opposition entre les grandes civilisations andines et les petites unités formées par les communautés amazoniennes dont l’être communautaire en son ensemble se met continuellement en mouvement indocile pour empêcher le meneur de transformer son ascendant naturel en pouvoir culturel de puissance politique.

Si les communautés primitives ne sont pas des sociétés, c’est non pas en raison du fait qu’elles n’auraient pas encore eu le génie politique d’inventer le pouvoir et l’État, mais au contraire parce qu’elles forment des espaces où le vivre ensemble se déploie comme intelligence communautairement élaborée du tout de telle manière qu’ainsi soit évité que l’État puisse apparaître. De cette manière, les communautés primitives refusent naturellement la différenciation par l’essor de l’avoir en interdisant ainsi l’agrandissement du surplus matériel qui produit l’économie politique de l’inégalisation sociale.

Le communisme, en tant que communauté de l’être de l’homme, n’est pas un état qu’il faut créer, ni un idéal constructiviste vers lequel la réalité devrait s’orienter. Le communisme est le mouvement réel de l’être qui liquide l’ordre établi des tyrannies de l’avoir. Les conditions de ce mouvement résultent des facteurs qui existent dans le présent et qui procèdent des contradictions internes du spectacle social de l’argent lui-même.

La révolution communiste en tant que retour conscient de l’homme à l’essence de son véritable lui-même communautaire enfin pleinement déployé sera le moment où le règne de la valeur, devenu historiquement impossible, apparaîtra simultanément comme définitivement insupportable et où la guerre de classe mondiale du prolétariat contre la marchandise permettra enfin à ce dernier de s’auto-abolir en tant que prolétariat.

Le concept de lutte des classes qui renvoie ensuite à un niveau supérieur à celui de guerre de classe qui en est d’ailleurs le parachèvement dialectique constitue le coeur méthodologique du regard ontologique que Marx pose sur le devenir de l’histoire. Le Manifeste Communiste en commençant son développement par l’énonciation que l’histoire de toute société jusqu’à nos jours est lhistoire de la lutte des classes nous signale là l’existence de ce qui positionne la rationalité du réel social selon laquelle les classes sont un produit social du mouvement historique par lequel la communauté première se transforme en société.

La communauté humaine des origines est une communauté unitaire de l’immanence de l’être là ensemble non scissionné dans le déployer de son vivre alors que la société est une collectivité du vivre déployé dans la séparation qui scissionne a contrario l’ensemble de l’être en espaces de la division. Ainsi comme le démontre Engels dans son ouvrage majeur L’origine de la famille de la propriété privée et de l’État, la communauté germanique archaïque où la communauté iroquoise ancienne, expressions archétypales de toute vie humaine avant que la civilisation du pouvoir n’ait mis en mouvement le pouvoir de la civilisation, ignore les castes, les classes, les prêtres, les artistes et l’aliénation des fonctionnalités scindées et dissociantes puisque chacun y est tour à tour paysan, forgeron et guerrier pendant que l’assemblée du tout vivant est l’auto-mouvement décisionnel de ce qui ad-vient dans la relation directe aux seules nécessités de l’épanouir humain.

Les fonctions paysannes, guerrières et religieuses que l’histoire officielle du faux, fait semblant d’apercevoir à la base obligée de l’histoire de l’organisation sociale des débuts, ne disent pas le principe-origine de l’archè, c’est à dire de la source primitive. Bien au contraire, elles renvoient à la dé-générescence et à la dé-composition de la communauté générique lorsque celle-ci, cessant d’exprimer un tout homogène axé sur la réalité du besoin humain se met à rendre compte d’un espace-temps hétérogéneisé dont le réel est totalement diversifié par les pouvoirs de la division des tâches et par les tâches divisantes du pouvoir.

Contre les théoriciens de la tradition falsifiée qui confondent ainsi le vrai de l’origine avec la littérature politique de sa réécriture idéologique par la division économique du travail et de l’échange telle qu’elle prit le pas sur la production humaine selon les besoins du vivre authentique, Marx est donc l’homme de la véridique tradition primordiale de l’être. L’histoire de l’humanité pour lui, c’est d’abord l’histoire d’une dialectique de longue durée qui a vu la communauté de l’exister originaire se dissoudre dans l’errance du déchoir économique et politique qui, au fil du temps de la perte du sens humain, a progressivement fini par aboutir à la tyrannie du spectacle marchand contemporain.

Marx et Engels rapportent qu’il existe dans les profondeurs de la culture grecque, une césure fondamentale qui marque le point de clivage religieux entre deux époques pleinement différentes : celle où domine le Zeus politique et céleste qui gouverne des dieux spécialisés et celle où vit Gaia en tant que mouvement anonyme des Erinyes et des Nymphes qui expriment la polyvalence chthonienne des réalités communautaires vitales. Cette dialectique de re-vêtement par laquelle la trans-formation historique de la communauté en société implique le passage d’une culture matriarcale et communautaire qui ignore la société politique à une culture patriarcale et sociétaire qui oublie la communauté de la vie générique. Bien évidemment et partout, lorsque l’on creuse derrière le vernis du politique et du patriarcat, l’on trouve l’anti-politique qui, aux origines de l’origine de la communauté, renvoie indéniablement à la tradition d’un matriarcat préalable.

Les conceptions théoriques des communistes dont Marx est l’un des éléments les plus en avance ne reposent donc nullement sur des idées, des principes inventés ou découverts par tel ou tel réformateur du monde. Elles ne font qu’exprimer, en termes généraux, les conditions réelles de la généalogie des luttes de classes réellement existantes, d’un mouvement historique qui se déroule effectivement en tant que réalité du devenir. L’histoire que Marx met ainsi en perspective ontologique est celle d’une guerre cosmique entre la satisfaction de l’être et la tyrannie de l’avoir telle qu’elle exprime la vérité de ce qui fait le devenir de l’humain.

L’Histoire a un sens qui est à la fois direction et signification. Ce sens signale que le communisme est à la fois un mouvement social de contestation humaine et le mode de production humain auquel aboutit ce mouvement. Le communisme est un mode de production déterminé, mais aussi le mouvement qui, d’abord emprisonné dans le cadre de toutes les aliénations qui vont de la mort du communisme primitif à l’achèvement du capitalisme final, crée peu à peu le moyen de faire sauter tous les carcans qui épuisent l’humain dans le non-humain. Le communisme comme mode d’auto-production de l’être de l’homme n’est ainsi que le prolongement et la résultante du communisme comme mouvement social de critique radicale de tout ce qui sépare l’homme de lui-même.

Ayant exposé dans le Manifeste que toute l’histoire est l’histoire de la lutte des classes, Marx apporte aussitôt en note de bas de page, la précision suivante : « …de lhistoire écrite ».

Car, en effet si l’histoire globale de l’humanité commence bien avec l’apparition du genre homo, la limite traditionnelle d’emploi du concept d’Histoire (avec majuscule) concerne exclusivement les périodes qui nous sont connues par l’intermédiaire politico-étatique de sources écrites. Les périodes pour lesquelles de telles sources n’existent pas ayant été nommées, quant à elles, pré-histoire et proto-histoire. C’est effectivement par la temporalité politique qu’est venue la période de l’écriture en tant que système de représentation graphique de la langue, au moyen de signes inscrits ou dessinés sur un support, tel qu’il permit l’échange d’informations à distance sans l’utilisation de la voix lorsque la nécessité sociale des parcours de l’échange eut supplanté le cours des nécessités communautaires.

Cette invention de l’écriture qui sert usuellement à définir la frontière entre la pré-histoire et l’histoire a pour origine les transactions croissantes entre contrées éloignées nécessitant la mise en place de contrats présupposant des formes conventionnelles distinctement élaborées pour désigner et vérifier les objets échangés.

Effectivement, le temps d’avant l’invention de l’écriture est celui où les groupes humains demeuraient nomades et organisés en tribus. Chaque tribu comportait généralement un nombre limité d’individus et la division des tâches y était inconnue. La tribu se désignait un représentant, et la linguistique et l’ethnologie tout comme l’archéologie nous ont appris que ce dé-légué ne détenait que des attributions extrêmement limitées. Son principal domaine de compétences était en fait de prendre en charge et de résoudre les conflits qui pouvaient survenir entre les membres de la tribu, non pas en qualité de chef ou de juge puisque ce représentant n’avait pas le pouvoir de commander ou de juger, mais en usant de l’influence qui lui avait été naturellement reconnue pour neutraliser la conflictualité. Sa seule charge était d’organiser les chasses et, bien sûr, de conduire les hommes à la guerre. Rien de plus. Dans son ouvrage, L’origine de la famille, de la propriété privée et de l’État, Engels nous décrit l’organisation de ces tribus primitives comme de véritables sociétés anti-hiérarchiques et anti-politiques.

Bien longtemps après que les Grecs, les Italiques et les Celtes eurent été emportés par le mouvement civilisationnel de l’aliénation économique et politique, les Germains de la forêt profonde persistaient à ne pas vouloir succomber à la tyrannie de l’avoir même si à leurs marges périphériques, certaines tribus avaient commencé à déjà bien fléchir devant les charmes empoisonnés de l’échange. C’est pourquoi Arminius, loué par les Germains pour les avoir menés à la victoire de Teutobourg, fut ensuite et pourtant supprimé par les siens car ceux-ci refusaient d’accepter les glissements insidieux des compétences guerrières de ce dernier, devenues sous l’influence romaine, des objets importants et autoritaires de prétention au pouvoir. Ainsi, les communautés primitives ne sont pas des groupes en manque de politique mais au contraire des communautés où la présence à l’être se reproduit comme l’abondance d’un vivre sans cesse activement préservé pour éviter justement que la politique puis l’État n’apparaissent.

Plus de quatre siècles après la mort du chef chérusque, l’épisode anecdotique du vase de Soissons, où, contre la pratique communautaire ancestrale du partage guerrier, Clovis demanda de soustraire du butin un vase liturgique précieux pour le rendre à l’église de Reims, vient là signaler que la dynamique politique du droit théodosien du vainqueur vers la constitution de l’État mérovingien a eu beaucoup de mal et de temps à s’imposer contre l’ancien usage franc.

En quelques centaines d’années, la Germanie des forêts était néanmoins passée d’une communauté anti-politique de guerriers paysans à une société en voie de politisation accomplie où les fonctions de guerre et de production s’auto-nomisant toujours plus, le nomos de la domestication politique allait pouvoir élaborer ses projets de contrôle de la quantité circulante.

Les tribus primitives ne connaissaient rien qui ressemblât à une structure politique, encore moins à un État. Elles n’en avaient pas l’usage puisque la communauté de limmanence n’en avait bien sûr pas le besoin. La distinction déterminante à opérer entre les communautés dites « primitives » et les sociétés « modernes » ce n’est donc pas essentiellement l’agriculture et la vie sédentaire, c’est spécialement l’institution économique de l’État. Une société moderne est celle qui est assujettie économiquement au pouvoir politique de l’instance étatique. Si les communautés primitives ne le sont pas puisqu’elles produisent un produire qui n’est pas séparé d’elles-mêmes, dès lors qu’émerge la société – en négation de la communauté – l’État est nécessaire pour unifier l’économie puisque cette dernière est toujours et nécessairement un produire du séparant et un produit du séparé.

Au plan de la production, les tribus nomades n’accumulaient que peu de sur-produit. Leur seul excédent renvoyait à ce qui est simplement transportable à dos d’homme ou de bête. Par conséquent, entre tribus, la violence pour prendre était immanquablement limitée. Il y avait peu à conquérir et à dérober. L’hostilité entre groupes était là perçue plus comme un exercice symbolique, certes plus brutal que d’autres, mais manifestant simplement la supériorité morale et physique du vainqueur. Observons d’ailleurs ici que tous les hommes participent à la guerre, il n’existe pas dans ces tribus de guerriers professionnels, tous les hommes chassent et guerroient…

La dialectique de l’émergence historique de l’État s’explique tout simplement par le passage du nomadisme à l’agriculture qui a généré un processus croissant d’accumulation de capital potentiel. La construction de greniers a été progressivement indispensable pour conserver les réserves alimentaires jusqu’à la récolte suivante. Et la cité (civitas) est bien ce terme qui désignant l’architecture de protection des entrepôts de l’ager, exprime l’intérêt d’un groupe d’hommes sédentarisés constituant une société politique particulière ayant son gouvernement, ses lois, sa religion et ses propres mœurs.

Ces activités impliquent l’échange avec déploiement de la monétarisation en même temps que l’extension des activités de culture et d’élevage à partir de l’agrandissement des territoires environnant la cité, c’est-à-dire des terres aménagées que des individus déclarent posséder dans cette cité par le droit qu’ils se sont donné tant vis-à-vis des nomades qu’aux dépens des autres anciens membres de la communauté qui a laissé la place à l’appropriation privative de leur prépondérance.

L’organisation s’y effectue par segmentation économique des activités des individus pour aboutir aux échanges commerciaux entre groupements humains, à l’administration politique du lieu et des activités ainsi qu’à l’organisation militaire pour la protection des individus et des biens, des réserves, des fours et des forges.

L’histoire de la langue dit là la langue de l’histoire et vient nous dé-voiler comment et pourquoi le mot bous qui en grec signifiait bœuf se met à spécifier la pièce de monnaie sur laquelle apparaît alors un bœuf en effigie comme représentation signée du règne de lavoir. Plus tard et alors que l’économie italique développait sa redéfinition des choses et des hommes, le mot latin pecunia est venu désigner l’argent et la monnaie après avoir signifié la fortune qui résulte du bétail et ce à partir d’une réécriture symbolique de pecus qui renvoyait, lui, initialement et simplement au troupeau.

Pas de politique sans polis…Le mot politique qui vient du grec politikè est relatif au savoir des affaires de la cité. Étymologiquement, la politique est donc synonyme d’organisation historique de la cité. La cité visée est originellement celle de l’Antiquité grecque, aujourd’hui appelée cité-État du fait de la similitude de son organisation avec celle des États modernes (pouvoir centralisé, institutions, diplomatie…). Avec le temps et l’essor de la population, la planification des travaux y a demandé de plus en plus d’efforts, d’élaborations et de durée. Les premiers espaces de sédentarisation lorsqu’ils firent la guerre, furent amenés à généraliser la prise de prisonniers à qui l’on donna une part croissante du travail à faire. Ainsi, le politique qui est consubstantiel au pouvoir du séparé qui est issu du décès de la communauté première doit se comprendre comme raison de la maîtrise par laquelle la société a connu et re-connu la première division en classes, entre un groupe dominant et un groupe dominé, à partir de l’opposition entre exploiteurs et exploités qui a découlé de la ruine de l’être commun par l’hégémonisation de l’avoir particulier.

L’étymologie raconte l’histoire et l’histoire se raconte par l’étymologie. La polis grecque est à la fois une cité et un État. Elle est cité parce qu’État et État puisque cité. La politique est toujours là une expression urbaine advenue ou en mouvement d’advenir avec ses institutions, ses lois et ses pouvoirs car c’est la ville, avec les aménagements citadins de son économie politique, qui produit l’économie de la politique.

On voit ici immédiatement que le terme source est bien polis et que poli-tès ; le citoyen, et poli-tikon ; ce qui est relatif à la ville et appartient à la cité, concernent des termes uniquement dérivés par l’ajout symptomatique de suffixes à la dénomination primaire poli.

Cela signifie que le concept de base qui fonde la conception grecque du politique est un concept social de positionnement spatial. C’est le site de socialisation qui fonde le politique lorsque la communauté première qui ignorait les divisions du travail a laissé la place à la société du diviser entre villes et campagnes, artisanat et agriculture. C’est la cité comme structure géographique logée à un certain endroit qui institue ses habitants comme des acteurs politiques parce qu’ils disposent d’un certain nombre de droits et sont soumis à un certain nombre de devoirs qui caractérisent leur identité sociale dans le champ d’identification des reconnaissances de l’avoir.

Le terme grec, polis, est lui-même issu d’une racine indo-européenne qui désigne la citadelle, et que l’on retrouve notamment dans le lituanien qui est la langue se rapprochant le plus de l’indo-européen originel, ceci sous la forme de pilis qui désigne la forteresse. Dans ces conditions, il est ainsi aisé de comprendre que la polis en tant que formalisation de la cité grecque désigne le lieu de signification sociale qui vient officialiser la mort des traditions communistes de la vieille organisation gentilice, une façon particulière d’aménager l’espace de l’accumulation des richesses et d’y situer chacun politiquement par rapport aux droits de la classe possédant le pouvoir de la possession. C’est la géographie sociale de la disparition de la communauté primitive qui fonde de la sorte politiquement le concept grec de la cité en tant que division sociale du groupe en classes.

La vieille pili indo-européenne qui a donné naissance à la polis est donc historiquement une citadelle qui naît de la division du travail et qui remplit à la fois une mission de police interne et de défense générale lorsque la communauté des guerriers-paysans a été dissoute et que le paysan n’est plus guerrier et le guerrier plus paysan…Le fait urbain y est ici fondement du fait politique et le faire politique se rattache toujours à un faire urbain dont le but est la rationalisation économique et sociale de la spatialité post-communautaire.

Si le terme grec qui désigne le citoyen, politès, est un dérivé de polis, le terme français, cité, est, lui, issu du latin civitas pendant que le citoyen est désigné par le terme civis.

Le mouvement du suffixe latin se pose donc à l’inverse de celui du suffixe grec puisqu’en latin, c’est civis, le citoyen, qui constitue la racine et civitas, la cité, qui en est la suffixation. Il convient donc de comprendre comment les choses se sont passées en l’histoire latine du devenir politique afin de mieux apprécier la formation idéologique du concept qui renvoie par suite à la politique en général puisqu’ici Rome est bien un indicateur historique cardinal du mouvement politique des modernisations de l’inversion concrète de la vie.

Dans la langue latine, le terme civis a deux sens complémentaires et indissociables: citoyen et concitoyen. On est civis parce que citoyen d’une ville que l’on habite et où l’on fait partie de l’ensemble des habitants qui y ont des droits politiques mais on est aussi et par là même civis parce que l’on y est con-citoyen de chaque autre civis et de cette manière de tous les autres cives.

Cela signifie que le concept latin de citoyenneté qui exprime historiquement un degré encore plus élaboré d’aliénation marchande que le grec, rend compte fondamentalement de l’expérience spectaculaire de la spécularité aliénatoire puisque c’est un territoire-miroir de personnes médiatisés par l’image citoyenniste qui fonde la logique d’ensemble. Puisque chacun est à la fois citoyen et concitoyen des autres citoyens, cela signifie que ce qui instaure la citoyenneté en tant qu’appartenance à la cité, c’est le fait d’être connu, reconnaissable et re-connu comme tel par tout autre dont l’on est ainsi le concitoyen. C’est parce que tous reconnaissent en tout un chacun un civis que chacun peut être regardé comme citoyen reconnaissable et donc reconnu par tous.

A partir de là, la civitas, la cité, signifie, par la logique même de son acception, l’ensemble des personnes qui – dans le spectacle des spécialisations du pouvoir –  se reconnaissent réciproquement et spéculairement comme citoyens. La cité est donc l’ensemble des sujets aliénés qui se fondent citoyennement en tant qu’unité de vision par la mise en œuvre d’une spécularité constitutive de l’identité politique qui établit l’État.

La villa désigne la propriété de campagne des temps politiques de la citoyenneté accomplie. Antérieurement, la ferme était nommée par le mot hortus tandis que le jardin s’appelait heredium qui donna seulement bien plus tard héritage. Nous savons là que les Romains du commencement ne possédaient pas en propriété les terres qu’ils cultivaient car la plupart d’entre elles était soumise à des partages périodiques. Seuls quelques arpents étaient concédés à chaque famille qui avait le droit de les en-clore et c’est là ce qui explique le sens primitif du mot hortus qui désignait à l’origine un en-clos. Il nous faut donc regarder la terre dans la vieille organisation de l’histoire romaine comme le patrimoine de la communauté où chacun n’a qu’une possibilité limitée et révocable d’occupation, ce qui est l’expression d’une survivance d’un temps communiste où le tout de l’espace correspondait alors au tout des hommes qui y habitait. L’habitus en tant que premier sens historique de l’histoire du sens renvoie à la manière d’être. Il va de soi que le moment où la politique et la guerre se généralisent font là et dès lors de l’habitude une simple conformation aux parcours de lavoir.

Ainsi et à mesure que la société s’éloigne de plus en plus de l’antique communauté, le politique doit toujours davantage homogénéiser un dis-joint nécessairement et indéfiniment dissocié et disloqué. La citoyenneté ne se pense plus seulement dans l’espace et sur le site où a été détruite la communauté mais dans la relation de fabrication du lien social mercantile entre acteurs de la soumission. Ce n’est plus avant tout la situation géographique de la communauté foncière morte qui définit la cité et la citoyenneté mais bien l’institution d’une relation sociale née aux antipodes de l’ancienne organisation gentilice entre des acteurs qui se reconnaissent mutuellement et désormais comme citoyens de la richesse marchande et industrielle.

Toutes choses étant égales par ailleurs, la citoyenneté latine en tant qu’elle était la plus moderne se définissait donc fondamentalement comme politico-géographique alors que la citoyenneté grecque en tant qu’elle était la plus ancienne se définissait comme fondamentalement géographico-politique. Puisqu’imperium exprime préalablement le contenu politique de ce qui permet de désigner le pouvoir et ses pouvoirs de désignation, quoi donc de plus normal que l’empire romain désigne étymologiquement et en premier lieu un ensemble historique de peuples placés sous le pouvoir romain et seulement ensuite un ensemble de pays et de territoires où ces peuples trouvent leur emplacement historique.

L’empire en tant que signification spatiale et éminemment cartographique avait d’abord, en l’imaginaire et dans le vécu latins, une portée conceptuelle fondamentalement politique. La formation historique de la civitas s’est faite à partir de la formation de la citoyenneté historique et la cité en tant que résultat de la dislocation du monde communautaire des gentes n’y a plus été progressivement que l’ensemble des sujets porteurs de la citoyenneté de l’avoir.

Le fait que civis désigne, à la fois, le citoyen et le concitoyen implique que la spécularité aliénatoire du miroir urbain, constitue explicitement le cœur spectaculaire de l’identité et de la citoyenneté en tant que mode de représentation des signes de la production régnante. Ce qui définit la citoyenneté, c’est que c’est par elle que l’on découvre le mieux que la société est la négation visible du vivre communautaire en ce qu’elle est la reconnaissance spéculariste de l’un par l’autre dans un miroir politique qui ne relie les êtres qu’en tant qu’ils sont antécédemment dé-liés d’eux-mêmes.

En Grèce, le temps historique de l’aliénation s’est unifié dans le disparate. A Rome, l’aliénation historique du temps s’est diversifiée dans l’unité. C’est pourquoi, la forme politique du regard en miroir qui fonde la conception romaine du contrat social de la respublica et de l’identité marchande ne pouvait voir le jour dans le provincialisme des cités grecques indépendantes mais exclusivement dans l’État romain universaliste. Dans la culture sociale latine, ce qui asseoit le fait politique, ce n’est pas seulement le site originaire de l’urbs des débuts, ce n’est pas non plus l’urbs du site au terme de l’empire, c’est substantiellement la spécularité historique des complémentarités mercantiles qui situent l’ensemble des trajectoires spécifiques des élargissements de l’urbanité.

La consommation du miroir citoyen est ici le mode de se rapporter au monde des individus pleinement séparés, un moyen illusoire de retrouver la continuité. La mystification citoyenniste opère là par le miroir de la représentation en se réalisant spéculairement et en s’imposant à travers le spectacle et donc par le biais des spectacles qui posent l’image de son imposition. C’est à ce problème que répondait tout banalement l’architecture de plus en plus massive des temples, des théâtres et des cirques de la vie publique citoyenne pour qui la construction et la distribution d’édifices étaient d’abord destinées à avoir l’oeil des nécessités spéculaires pour sur-veiller en même temps la plus grande multitude des hommes dés-humanisés.

On a là en filigrane, dans le mouvement de la longévité romaine, toutes les caractérisations premières de l’économie politique de la dématérialisation des liens sociaux propre à la dilution spatio-temporelle dans l’abstraction de l’image citoyenne que l’on retrouve sous forme paroxystique dans le monde actuel de la marchandise spectaculaire.

La pensée héraclitéenne du polemos qui fait écho à la complexité des guerres médiques à une date où les hoplites en rangs serrés sont devenus l’institutionnalisation de l’ensevelissement irrémédiable des restes de l’archaïque communauté gentilice armée vient enseigner par une métaphore de foudre que la conflictualité sans limite est le paradigme historique des temps où les raisons économiques du système politique ne peuvent passer que par la guerre lorsqu’il s’agit d’y sauvegarder le système économique des raisons politiques.

A l’origine des origines et en la dialectique des profondeurs de la temporalité, Wall Street déjà perçait donc sous les contradictions qui opposaient Sparte et Athènes mais c’est incontestablement à Rome que les premiers grands quartiers d’affaires de la dépossession humaine ont vu durant l’antiquité leur plus bel essor. Sur le terrain de l’aliénation politique jaillie des entrailles du cadavre de la communauté primitive,  la guerre s’est alors présentée en tant que la forme la plus extrême de communication du politique aliénatoire. Elle s’est signalée comme le commerce d’influence le plus déployé dans sa signification profonde de sens commercial le plus fondamental, au sens exact de mise en commun, de partage et d’échange de l’agressivité conquérante et défensive destinée à satisfaire la prospérité du pouvoir en ses multiples appétits de pouvoirs.

Évidemment, les premières sociétés agricoles qui accumulent du capital suscitent la convoitise de leurs voisins. La guerre cesse alors d’être vécue comme belligérance ponctuelle et limitée. De simple action symbolique d’initiation ou d’instauration allégorique, la guerre devient une affaire persistante et continue de rentabilité indispensable permettant au vainqueur de s’approprier des terres d’irrigation, de culture, de plantation, de granges et de magasins emplis. Face au danger de l’invasion et du pillage, les sociétés agricoles constituent l’économie d’une défense politique permanente. Chaque société en vient conséquemment à prélever un quantum de nourriture adéquat sur ses réserves générales pour entretenir un groupe d’hommes dont la seule fonction est de protéger militairement la société. Ainsi voit-on apparaître pour la première fois des armées permanentes formées de guerriers professionnels.

Mais désormais puisque les chefs des sociétés ont de cette façon une armée à leur disposition, l’insistante incitation d’employer cette puissance imposante pour consolider leur pouvoir face aux protestations sociales devient irrésistible. Marx et Engels nous expliquent là méthodiquement comment une nouvelle institution voit par conséquent le jour aux fins de maintenir l’ordre social, c’est-à-dire un état de fait favorable à la classe devenue dominante. C’est cette institution que l’histoire a fini par appeler l’État.

Voici ce qu’Engels dit du fonctionnement de l’État : « Pour maintenir lautorité de la puissance publique, la contribution financière des citoyens est indispensable : limpôt. Limpôt était complètement ignoré des communautés primitives. Nous ne le connaissons que trop bien aujourdhui ! Avec le développement de la civilisation, les impôts eux-mêmes ne suffisent plus ; l’État hypothèque lavenir en contractant des emprunts sans fin. Notre vieille Europe a beaucoup à dire à ce sujet. »

Après le temps où la communauté primitive qui a rencontré d’autres communautés primitives a fait naître – dans la relation de groupe à groupe – le troc épisodique, a succédé inévitablement l’époque de l’échange habituel, temporalité où par rebondissement en cascade, l’acte de changer est passé de la périphérie du groupe à son intériorité jusqu’à en dissoudre la centralité.

Les produits pour la satisfaction de l’être ensemble devenant là des marchandises pour le calcul des possessions, la marchandise établit sa domination sur le producteur car dès que les producteurs ne consomment plus eux-mêmes directement leurs produits, mais s’en dessaisissent par l’échange, ils en perdent le contrôle puisque la vie de leur production échappe ainsi à la production de leur vie. C’est pourquoi aucune communauté ne peut, à la longue, rester maîtresse de sa production d’elle-même, ni conserver le contrôle existentiel des effets sociaux de son procès de production, si elle ne supprime pas l’échange entre individus.

En la communauté primitive, la production communautaire du vivre se mouvait dans des limites étroites mais alors les hommes producteurs étaient les puissances actives et conscientes de leur propre produit humain. Tel était l’immense avantage de la communauté originelle ; il se perdit avec l’avènement commercial et politique de la civilisation. La tâche de la révolution communiste sera de le re-conquérir mais sur la base de l’universalité historique obtenue aujourd’hui par l’homme, en son nécessaire positionnement de claire conscience planétaire.

La perte de la qualité humaine est le caractère fondamental de la société du quantitatif amassé qui provient de la mort du communisme primitif et qui se signale comme bannissement des hommes hors de leur être générique et en arrachement poursuivi de leur production globale. C’est pourquoi si la communauté primitive ignore les classes, le passage social au pouvoir civilisationnel de l’agriculture sédentaire en tant que début des contraintes au labeur apparaît bien comme l’inauguration des sociétés divisées en classes. Avec l’écriture se manifeste alors une conscience qui n’est plus le relier communautaire immédiat des vivants mais qui est la prison langagière du politique où viennent s’archiver les mémoires comptables, policières, artistiques et religieuses des possibles humains confisqués.

Dès que surgissent les classes qui possèdent le contrôle de l’appropriation privée de l’histoire, se révèlent matériellement les conditions d’une lutte entre ces dernières et les populations qui – s’articulant sur l’aspiration à conserver et recouvrer le jouir du qualitatif premier – n’entendent pas se soumettre à la chronologie arbitraire du politique et de l’économique.

L’analyse de l’histoire des luttes de classes est inséparablement analyse des conditions historiques par lesquelles la temporalité du rapport social marchand a pris le dessus sur la communauté primitive qu’elle a dés-articulée, en imposant la médiatisation des hommes par les choses.

L’histoire de l’humanité n’est autre que celle de la transformation de la communauté naturelle en culture dictatoriale de l’économie et de la politique.

C’est en raison de ce refus de la division sociale et de la dépendance à l’économie et à la politique que la communauté primitive s’est opposée à l’émergence de l’échange et de l’État. Ce dernier étant là l’organe séparé du pouvoir de la domestication politique puisque lorsqu’il y a État, le vivre du groupe est divisé entre ceux qui exercent le pouvoir et ceux qui le subissent. La vie n’est alors plus indivisée, elle est un corps mutilé et morcelé, un être social hétérogène où les dépendances et les aliénations se mettent en place pour dé-placer l’homme de l’être vers l’abandon de l’être. C’est pourquoi le rejet de l’État est pour Marx, un refus de la soumission à l’in-authenticité ; et inversement, l’émergence de l’État un danger mortel pour l’authenticité du devenir humain. Dans cette optique, Engels nous invite donc à considérer que la communauté primitive n’est pas un espace sans État, mais un espace contre l’État. Elle n’est pas une pratique historique qui ne serait pas encore arrivée à former un État en son sein, comme le pensent les idéologues du politique mais une histoire pratique qui a fait un choix autre : celui de l’anti-politique

Le mouvement communiste de l’être humain qui cherche à retrouver l’essence humaine de son être s’affirme et se manifeste à deux niveaux. D’une part, il regroupe tous ceux qui luttent pour le communisme et contribuent à son apparition publique en tant que volonté clairement affirmée du refus de la marchandise et de l’État. Mais cette action et ce regroupement seraient impossibles si parallèlement ce mouvement n’était pas relié à une ontologie des profondeurs qui dans les entrailles mêmes de la société de laccaparer dé-couvre au sein même du mode de production capitaliste cette contradiction explosive entre l’être jamais totalement maîtrisé et l’avoir toujours imparfaitement pré-pondérant.

L’histoire de toute société telle que toutes sont nées de la dé-composition de la communauté première n’a pas cessé d’être jusqu’à aujourd’hui l’histoire de luttes diverses et variées. Toutefois si la commune rurale, avec possession communiste de la terre, a été la forme primitive du vivre ensemble depuis les Indes jusqu’à l’Irlande, Marx en élaborant le concept de mode de production despotique a attiré l’attention sur les immobilités particulières de l’Orient de l’après communisme primitif, en désignant en particulier le système des castes tel qu’il érige une division héréditaire et ritualiste de la société en groupes séparés, notamment fondée sur l’ethnie sociale.

Avec la dés-agrégation des communautés primitives commencent donc et en premier lieu en Occident, les débuts de la division de la société en classes distinctes, et donc en dynamiques finalement opposées. Comme l’histoire réelle le fait savoir en son auto-mouvement de signification tel qu’il passe par Aristote éclairé par Marx, l’homme devient un animal politique dès lors qu’il cesse d’être l’homme générique de son être communautaire.

L’Homme libre et l’esclave, le patricien et le plébéien puis le noble et le serf, le maître de métier et son compagnon, en un mot dominants et dominés, en opposition constante, n’ont cessé de mener des luttes et des guerres ininterrompues, tantôt ouvertes, tantôt dissimulées, une guerre qui finissait toujours par une transformation révolutionnaire de la société toute entière qui marchait ainsi toujours plus vers le totalitarisme de la quantité.

Comme le montre Marx, dans les premières époques historiques qui suivent la trans-formation de la communauté en société, nous constatons partout une organisation sociale en classes distinctes, une échelle graduée et conflictuelle de conditions sociales contradictoires. Dans la Rome antique, nous trouvons des patriciens, des chevaliers, des plébéiens, des esclaves ; au Moyen Âge, des seigneurs, des vassaux, des maîtres de corporation, des compagnons, des serfs et, de plus, dans chacune de ces classes, une hiérarchie particulière de contradictions spécifiques.

La guerre étatique classique est la continuation de la politique par d’autres moyens en tant que forme extrême de communication entre les propriétaires des espaces de domination. C’est la forme supérieure de rivalité inter-politique en tant qu’acte de violence militaire dont l’objectif est de contraindre l’adversaire à exécuter la volonté ennemie. Par là, l’économie politique de l’asservissement donne sa signification commerciale la plus profonde aux tentatives captatives logiques de chaque État pour protéger ou augmenter politiquement sa prospérité économique aux dépens d’un autre ou d’autres groupes étatiques.

Alors que les guerres pré-capitalistes issues des siècles où les crises de sous-production d’une économie encore largement naturelle, avaient d’abord pour fonction de gagner de l’espace pour élargir la sphère politique des rentabilités économiques de la terre à dominer, les guerres de l’époque capitaliste issues des crises de sur-production d’une économie du temps-argent ont d’abord pour finalité de produire de la destruction par l’élimination de la production excédentaire afin de relancer périodiquement le cycle de la valorisation.

Ainsi si les guerres d’avant le capital exprimaient fondamentalement la nécessité, pour l’État de maîtriser et d’élargir l’appropriation de l’espace pour l’emporter au regard des enjeux par lesquels s’effectue le contrôle du temps, les guerres du capital fondent, elles, leur expression dans la maîtrise nécessairement élargie du temps afin que s’effectue le contrôle étatique approprié des enjeux de l’espace. On est ainsi passé d’un concept de guerre articulé à une dialectique révélant que l’espace était d’abord le lieu de la politique économique de l’argent à une dialectique de guerre articulée sur un concept qui enseigne que l’argent c’est, en premier lieu, le temps de la durée qui fait l’espace de l’économie politique.

La guerre comme langage de parachèvement de la crise fut donc en temps pré-capitaliste l’expression exacerbée de la compétition inter-étatique de la fausse conscience pour la domination politique des lieux de rentabilisation de la logique de l’espace. Avec le rythme du capital, la guerre s’est transmutée en expression inter-étatique d’une compétition exacerbée de conscience fausse pour une politique de domination totale de la rentabilisation des lieux temporels de la logique de valorisation du temps.

Le mode de production de la guerre est toujours issu du mode de production qui produit les conditions de l’activité humaine de cette modalité particulière de l’aliénation qui voit la violence politique atteindre son plein développement. Pour déterminer la place et la fonction de la violence militaire où se fixe ce développement plénier, il convient donc d’appréhender les forces productives qui produisent le rapport social de domination qui prolonge les rapports historiques de classe. Au cours de l’histoire, le langage politique de la guerre devient ainsi de plus en plus complexe et diversifié en ce qu’il représente les formes successives de conformation de la société de lavoir à la nécessité de ses propres diversifications et complexions historiques.

La question militaire ne constitue pas un champ d’expérience particulière et ayant ses propres lois. Elle acquiert ses caractéristiques, sa méthodologie et son efficacité de l’ensemble des contenus de cohérence résultant des conditions réelles du développement de l’économie politique de la domination. Un État fait, non pas la politique de sa géographie, car sans cela Naples aurait eu une histoire similaire à celle de Venise pendant que la Corse aurait pu être un empire maritime du même ordre que le Royaume-Uni quoiqu’en plus réduit. Un État fait tout simplement la politique correspondant au niveau historique du développement des forces productives de l’économie de sa géographie et c’est pour cela que le Japon construisit ses premiers navires océaniques seulement au début du XVIIe siècle, suite à la période des premiers rapprochements avec les économies occidentales et que la marine impériale née de l’ère Meiji, n’a été officiellement établie qu’en juillet 1869, dans le cadre d’une dynamisation industrielle novatrice des territoires de lavoir. Bref, Londres n’est pas devenue une puissance commerciale pour des raisons de géo-stratégie maritime, elle est devenue une puissance maritime géo-stratégique pour des raisons commerciales.

A partir du détournement du commerce européen vers les océans qui suivit la conquête de l’Amérique, après la défaite de l’Invincible Armada espagnole, il était normal qu’au milieu du XVIIe siècle, les Pays-Bas possèdent la flotte marchande la plus puissante d’Europe puis que celle-ci fût ensuite supplantée par la marine britannique…Tout ceci exprimait la logique historique du déterminisme des forces productives de l’essor de l’économie…Et si les grandes dynamiques géopolitiques de la planète s’articulent bien aujourd’hui autour d’un cœur du monde qui s’appelle l’Eurasie, c’est parce que celui-ci est avant tout le centre évident des territoires de circulation de la valeur.

Les guerres internes à même espace étatique mettant, elles, aux prises une partie de la population contre l’autre doivent être qualifiées de guerres civiles. Elles expriment le seuil qualitatif où les hostilités internes ont atteint un certain niveau d’intensité émeutière et insurrectionnelle persistant qui permet de les distinguer de simples troubles intérieurs. Les guerres civiles peuvent refléter des conflits politiques entre propriétaires antagonistes de la servitude sociale qui s’affrontent quant à la manière de dominer l’économie de l’oppression. Elles peuvent aussi traduire la conflictualité sociale radicale qui tend anti-politiquement à renouer le fil du temps subversif de la communauté de l’être. En ce cas, l’on parlera d’ailleurs plus volontiers de guerre sociale

A bien considérer les choses, l’on verra historiquement que derrière chaque guerre civile politique qui permit le passage d’un type de société de classe à un autre, du reste toujours plus pernicieusement élaboré, il y avait ordinairement dans les profondeurs de la dynamique sociale sur laquelle travaillaient les jeux et enjeux de pouvoir, un mouvement de contestation radicale qui même dévoyé, détourné ou éliminé en aval, avait fixé en amont le rythme du temps objectif. Ainsi, de la chute des Trente à Athènes, des Guerres civiles romaines, des Guerres de religion en France, de la Guerre de Trente Ans dans le Saint Empire romain germanique, des Guerre civiles anglaises, de La Fronde, des guerres carlistes espagnoles et de tous les grands ébranlements par lesquels la rationalisation marchande du développement capitaliste a usé de l’insubordination paysanne et ouvrière pour mieux la plier et l’attacher au mensonge généralisé de la liberté montante du marché.

L’on se souviendra là en particulier comment le prolétariat révolutionnaire de Barcelone fut massacré en 1937 par le Front Populaire lorsqu’après avoir utilisé et enrégimenté la colère ouvrière, les partis de la gauche du capital – pour écraser irréparablement le mouvement de remise en cause de l’argent – décidèrent d’y fusiller et torturer les éléments subversifs les plus en pointe.

De l’écrasement de la Commune de Paris en 1871 à celle de Kronstadt en 1921 en passant par toutes les autres Communes que l’histoire a fait éclore, il est clair que tant que ne s’est pas ouverte la période où l’abondance aliénatoire de la marchandise échoue à pouvoir continuer de reproduire la réalisation de sa continuité, les luttes de classe ouvrière et partant les phases de guerre sociale entre le prolétariat et les possesseurs de l’avoir ne peuvent aboutir à une autre victoire que celle de la contre-révolution capitaliste poursuivant la socialisation mensongère du monde.

Comme l’a montré Engels dans La guerre des paysans, les grandes révoltes et insurrections continues des paysanneries d’Europe sont une réponse permanente à l’histoire de la marchandise qui arrachait violemment les hommes à ce qui demeurait de communiste dans la vie sociale des campagnes autour des communaux préservés au fur et à mesure que se dissolvait la vieille structure féodale sous les efforts conjugués et associés de la monarchie absolue et de la bourgeoisie.

De même et pour comprendre les causes des croisades des barons, il convient en préliminaire d’entendre les mouvements instigateurs des profondeurs : croisades des pauvres, des enfants ou des pastoureaux qui dévoilent bien l’impossible démêler entre dynamique de jacquerie et processus de croisade.

En un temps où tout langage critique ne pouvait encore être que mystique, « libérer le tombeau du Christ », c’était d’emblée dire en termes religieux qu’à partir de la symbolique de ce lieu de résurrection, les paysans insurgés entendaient bien, par-delà les institutions du temps, lier contact avec l’histoire ouverte du paradis terrestre pour – de chaque côté du Pont-Euxin – engager un mouvement critique inter-continental de lutte sociale a généraliser.

Les révoltes sociales du Moyen Âge pour donner corps ici et maintenant à la communauté de l’évangile ne cessèrent donc de produire à côté de la « Haute église » des Papes et cardinaux, une église de base en perpétuel mouvement qui, à partir de prédicateurs de terrain anonymes ou connus, mettait distinctement en cause les fermetures sociales de l’église institutionnelle elle-même.

Les utopies millénaristes médiévales, en voulant réaliser la communauté sur terre par la rébellion sociale généralisée, revendiquaient essentiellement le droit de liquider tout ce qui sépare l’humain de l’humain et d’abord les églises quand celles-ci oublient ce que le Christ a dit des marchands et de l’argent.

La reconquête chrétienne de l’Espagne au Moyen Âge et des Balkans au XIX°siècle, avant d’être une reconquête politique et religieuse coiffée par les églises et les États, fut surtout une reconquête sociale des paysanneries d’alors qui, regroupées en communautés de paroisses, défendaient offensivement leur mode de vie plus ou moins égalitaire sur leurs terres collectives contre la logique d’oppression financière et étatique.

La féodalité issue de la conquête de l’Empire romain d’Occident par les Barbares a eu cette spécificité de largement permettre la maintenance et la revitalisation massive du communautaire rural puisque les invasions germaniques portaient en legs principal la large prédominance encore préservée de la pratique des terres communes. Ainsi et pendant les nombreux siècles qui séparent la fin du communisme primitif de la victoire des révolutions marchandes du XIX° siècle, l’émotion, la colère, la révolte et la guerre sociale n’ont pas cessé d’agiter les campagnes en rappelant la persistance de cette volonté de demeurer dans la ligne historique d’un vivre ensemble communautaire qui ne pouvait que refuser à la fois le pouvoir de la possession et les possessions du pouvoir.

Des insurrections paysannes de l’An Mil au soulèvement quarante-huitard des ouvriers parisiens contre la république de la marchandise, en passant par les soulèvements des Flagellants, des Jacques, des Maillotins, des Croquants et autres Nu-pieds, la longue histoire sociale des insurrections de la conscience critique, n’a pas cessé de dire que l’éveil de l’homme à lui-même est irréductible tant aux logiques financières du posséder qu’à celles des raisons politiques de l’État.

Par-delà l’élément détonateur de la conscription de mars 1793, les insurrections vendéenne et chouanne traduisent bien l’insubordination communautaire de la vie paroissiale et de ses curés locaux laquelle historiquement bien enracinée dans l’Ouest, refuse de se soumettre à la dictature marchande et à la mainmise des patauds – qui au nom de la république bourgeoise – entendent ré-organiser confiscatoirement l’horizon de la vie campagnarde.

L’abattoir industriel des colonnes infernales en Vendée n’a rien inventé, il n’a fait qu’accomplir la longue série des boucheries d’ancien régime qui, de jacquerie balayée en jacquerie décimée, ne cessa de ponctuer le long travail de prise de pouvoir des puissances marchandes sur la société… et qui irait jusqu’aux hécatombes démocratiques de 1848 et de 1871 quand le fétichisme marchand extermina des milliers de prolétaires qui refusaient les camps de la concentration usinière…

Ainsi, les révoltes et guerres sociales de la paysannerie antique et médiévale et leurs multiples développements ultérieurs, à mesure qu’ils éteignaient leurs derniers feux, ont simultanément passé le flambeau de l’insurrection critique au prolétariat qui a conscientisé historiquement la réalisation terrestre du paradis pour la sortir des irrationalités religieuses du passé millénariste et lui donner sa rationalité de seul futur possible en tant que conscience historique distincte d’une histoire distinctement consciente, d’une guerre de classe nécessaire pour abolir toutes les classes.

Ce ne sont pas, comme le croient les thuriféraires de l’économie et de la politique, les espérances révolutionnaires du communisme moderne qui seraient des suites irrationnelles de la passion millénariste de l’âge dor lequel renvoie à ce moment où l’or ne valait rien et qui indique l’avant-déchéance de la communauté première. Tout au contraire, c’est ce mythe premier des origines et de la plénitude qui, parlant alors la langue de l’allégorique, exprimait déjà les tendances révolutionnaires qui récusent la modernité mais auxquelles manquait encore la conscience historique de l’être historique.

Le mouvement communiste est avant tout un mouvement objectif du désir vrai de l’homme, c’est-à-dire qu’il est le produit de la volonté, d’une action consciente qui trouve son fondement dans la contradiction des rapports économiques et sociaux de la détermination politique de la vie fausse.

Le communisme est à la fois une dynamique sociale de critique radicale et le mode de production auquel aboutit cette dynamique lorsqu’elle refonde la communauté des origines, cette fois non plus locale et limitée mais comme Gemeinwesen universelle, c’est-à-dire en tant que communauté de la vérité du jouir humain. Le communisme est le mode de production spécifique qui abolit la valeur. Mais si le communisme est ainsi le mode de production de l’auto-détermination humaine, c’est parce qu’il est avant tout le mouvement de l’anti-domestication, d’abord emprisonné dans le cadre de l’in-humanité capitaliste, qui crée peu à peu le moyen de détruire les logiques marchandes de l’assujettissement.

Le communisme comme mode de production n’est que le prolongement et la résultante du communisme comme mouvement social de retour à la nature du vrai communautaire par la guerre de classe généralisée contre la culture des raisons de largent. C’est pourquoi, bien qu’il n’y ait en fait qu’une totalité dynamique dont les deux moments ne se laissent distinguer qu’abstraitement, l’analyse doit commencer toujours par envisager d’abord la dialectique de ce qui a suscité le capital.

Le capital, par son développement qui va de la dissolution des communautés primitives jusqu’à l’horreur économique actuelle, a socialisé le tout du monde à mesure qu’il incarcérait l’homme dans l’in-humain le plus achevé. Ce que les hommes produisent n’est plus qu’ignominie marchande et inversion du vivre lequel leur échappe à plein pendant que leur existence n’est plus la leur mais celle de l’industrie du calcul qui s’étend sur un monde qui n’est plus que le nom de leur avilissement dans la réification planétaire. Chaque produit tend à devenir de la sorte le résultat inter-actif du travail de l’aliénation humaine toute entière. Le sujet de la vie économique et sociale est dorénavant le corps social planétaire dans son ensemble. En ce sens, la socialisation du monde n’est pas réalisée par le communisme, mais par le capital lui-même : elle n’est que le résultat de la mise en place du marché mondial de la servitude.

Peu importe donc ici ce que tel ou tel prolétaire ou même ce que le prolétariat tout entier s’imagine être son but, momentanément. Ce qui compte, c’est ce qu’il est réellement et c’est ce qu’il sera historiquement contraint de faire conformément à son être. Son but et son action historique lui sont tracés visiblement et irrévocablement, dans les circonstances mêmes de sa vie comme dans toute l’organisation contradictoire de la société capitaliste actuelle.

Le communisme – comme communauté primitive passée, comme mouvement historique de critique radicale présent et comme future communauté humaine universelle – constitue, sous quelque expression que ce soit, l’antagonisme par excellence de toute société basée sur l’exploitation et donc de tout État puisque celui-ci n’est que l’organisation anti-humaine de la société aux fins de reproduire la production de cette exploitation.

Une fois la domination historique de l’humanité universellement réalisée dans la capitalisation de la totalité de l’espace-temps, l’État n’est plus que le Capital lui-même, constitué en force de reproduction de la systématisation du travail salarié.

L’État comme expression générale de la capitalisation où sont subsumés tous les capitaux particuliers réalise l’essence même du Capital en tant que communauté fictive du fallacieux en opposition permanente au communisme du vrai vivre. Son expression la plus éminente, sa manifestation idéale demeurant celle du règne total et universel de la démocratie pure de la marchandise, de la soumission généralisée au monde citoyenniste de la misère généralisée.

Le mouvement prolétarien, durant sa longue et contradictoire émergence historique, ne peut affirmer l’être de son vouloir vivre humain qu’en manifestant sa substance véritable de mouvement révolutionnaire pour la communauté, autrement dit en agissant en dehors et contre l’État puisque désormais l’État est partout l’expression concentrée de la dictature de la marchandise.

Cette critique de la politique qui ne peut être qu’anti-politique devint plus forte et plus précise au fur et à mesure de l’avancée qualitative du mouvement révolutionnaire, dans la mesure même où le prolétariat parvient effectivement à surgir en tant que force historique, comme dynamique communiste opposée à l’ordre social existant et à ses différentes et illusoires oppositions internes : fascisme et antifascisme, droite et gauche, croissance et décroissance, nord et sud, métropoles industrielles et tiers-monde, Occident et Orient… 

Sur cette question de l’État, certaines fractions du mouvement prolétarien ont été absorbées à de multiples occasions par l’imposture du capital, en participant d’une manière ou d’une autre à une de ses expressions idéologiques ou une de ses structures politiques. Que ce soit sous la forme d’un appui à telle ou telle fraction capitaliste ou à tel ou tel racket national-marchand, sous la forme d’une allégeance au mythe du suffrage universel comme moyen d’émancipation sociale, ou sous la forme plus entortillée encore du parlementarisme soi-disant révolutionnaire ou des luttes de libération nationale qui n’ont d’autre signification que le changement de puissance de tutelle pour les prolétaires concernés. Des parties entières du prolétariat renoncèrent ainsi à toute pratique subversive de classe et furent cooptées par l’État pour la défense du système capitaliste, suscitant de la sorte une des causes majeures des multiples défaites fondamentales subies.

La social-démocratie et le bolchévisme en leurs diverses variantes, en tant qu’expressions historiques avancées de la contre-révolution, se sont spécialisés dans ce processus d’assimilation, en développant sous toutes les formes possibles et imaginables, une théorie et une pratique sociale visant à liquider la force subversive de la révolution sociale incarnée anti-politiquement contre l’État capitaliste pour la trans-former en une simple élaboration réformiste pleinement intégrée politiquement à l’intériorité même de l’État.

Révolution sociale contre l’État ou réforme de l’État. Voilà le point d’ancrage de la ligne de démarcation entre retour au communisme accompli de l’être et perpétuation des servitudes de lavoir. Cette opposition entre ennemis et partisans de l’État est totale, générale, irréconciliable en termes historiques de devenir humain, et cela indépendamment de la conscience illusoire que les différents protagonistes ont pu ou peuvent avoir de cette antinomie au cours des luttes dont ils ont eu à connaître par le biais d’un regard équivoque.

Les deux seules classes qui correspondent effectivement à la réalité sociale existante du devenir en réalisation de la valeur, les deux classes qui disent la situation générale du monde de la sur-vie marchande en mouvement et vers lesquelles toutes les autres couches sociales intermédiaires n’ont fait qu’hésiter en fonction du déplacement des événements furent la bourgeoisie et le prolétariat. Ce sont également les deux seules classes révolutionnaires de l’histoire, mais selon des conditions radicalement différentes puisque la révolution bourgeoise de la soumission politique est terminée alors que la révolution prolétarienne de l’insoumission contre la politique reste à faire. La bourgeoisie est parvenue au pouvoir parce qu’elle fut la classe de l’économie en développement jusqu’à ce point où l’expansion de la loi de la valeur a d’ailleurs fait disparaître son pouvoir personnel et propriétaire pour lui substituer la classe capitaliste anonyme des sociétés par actions hors-sol.

Le prolétariat ne peut être lui-même puissance qu’en devenant la classe de la conscience de lanti-pouvoir. La forme anti-politique par laquelle l’émancipation ouvrière peut seule être réalisée a pris au siècle dernier sa configuration la plus nettement irréfutable par le biais des Conseils ouvriers révolutionnaires qui ont synthétisé en eux toutes les fonctions insurrectionnelles de compréhension, de décision et d’exécution en se fédérant par le moyen de délégués responsables en permanence devant la base et révocables à tout instant. Leur existence effective n’a encore été qu’une brève ébauche, aussitôt combattue et vaincue par différentes forces de maintien de l’ordre de la société de classes, parmi lesquelles il faut souvent inclure leur propre perception fausse de ce qu’est la conscience vraie.

Mais ces conseils ouvriers en tant qu’anti-pouvoir sont précisément le lieu où les problèmes de la révolution prolétarienne peuvent trouver leur vraie solution humaine. C’est l’em-placement où les conditions objectives de la conscience historique sont réunies pour la réalisation d’une communication directement non-aliénée et activement anti-politique qui supprime la spécialisation, la hiérarchie et la séparation.

Depuis Hegel, Marx et tous les groupes radicaux qui ont pu éclore au fil du temps, la pensée qui pense sait qu’elle n’a plus à se perdre dans l’interprétation de l’histoire du monde mais à se trouver dans la trans-formation du monde de l’histoire. Contre les interprétations politiques qui se bornent à seulement tenter d’élucider la transformation, la critique radicale se saisit pleinement du réel pour trans-former l’interprétation. Ainsi, la pensée de l’histoire ne peut être sens de l’être qu’en devenant pensée pratique de l’histoire et cette pratique qui désigne le prolétariat comme seule classe révolutionnaire de l’avenir ne peut être être du sens en tant qu’histoire pratique et pensée qu’en tant que conscience historique oeuvrant anti-politiquement sur la totalité du monde.

Dans la dynamique d’anti-pouvoir des Conseils qui éclipse internationalement toute autre réalité que celle de la puissance anti-politique du prolétariat qui cesse ainsi d’être du prolétariat, le mouvement du prolétariat sauto-abolissant est son propre produit, et ce produit est le producteur même de la vie re-devenant humaine. Il est à lui-même son propre but de jouir la vraie vie de l’être. Là seulement et enfin la négation économique et politique de l’existence est niée à son tour par la communauté de l’humain qui liquide à la fois l’économie et le politique.

L’organisation révolutionnaire de la guerre de classe prolétarienne ne peut être que la critique totale et unitaire de la société de la vie fausse, c’est-à-dire une critique qui ne transige avec aucune forme de pouvoir puisque tout pouvoir est produit et re-producteur de la vie sociale aliénée. Dans la guerre de classe révolutionnaire contre la société de classes, les ressources et l’équipement qui seuls comptent sont ceux qui expriment l’essence ontologique des guerriers sociaux eux-mêmes. Le vivre organisationnel n’est là révolutionnaire que parce qu’il ne saurait reproduire en lui les conditions de séparation et de hiérarchie qui sont celles de la société de l’asservissement capitaliste.

La victoire de la guerre de classe prolétarienne est toute entière positionnée en cette nécessité archétypale qui veut que pour la première fois dans l’histoire du monde, c’est la théorie du fondement de l’être en tant qu’intelligence de la pratique humaine qui doit être reconnue et vécue par les masses qui s’arrêtent ainsi et justement d’être des masses. Cela oblige à ce que les salariés anéantissant le salariat deviennent le cœur vivant de la dialectique de lessentialité et inscrivent leur pensée du vouloir vivre dans la pratique du détruire tous les pouvoirs du calcul.

C’est pourquoi, la révolution communiste demande aux hommes qui aspirent à épanouir la qualité bien plus et davantage que la révolution bourgeoise ne demandait aux hommes qui aspiraient à la simple quantité épanouie attendu que la conscience idéologique de l’avoir instaurée par la classe bourgeoise avait pour fondation commode le centre aliéné de la vie sociale lui-même, ce royaume de l’économie dans lequel cette classe se trouvait déjà depuis bien longtemps au pouvoir.

Le développement de la conscience anti-idéologique de l’être a, lui, a contrario pour unique base l’envers de cette même centralité sociale de la vie aliénée car l’économie est l’univers dans lequel classe captive, sans le moindre pouvoir, le prolétariat est l’ensemble des hommes qui n’ont aucune influence sur le flux de leur propre existence.

La théorie de l’être sait donc désormais qu’elle ne peut qu’être la théorie de la communauté de l’être et qu’elle est donc maintenant l’ennemi irréductible de toute idéologie politique, et elle sait qu’elle l’est car la politique est toujours négation de la vérité de l’être et maintenance de la société de lavoir.

Le temps de l’histoire qui – de la trans-mutation de la communauté de l’être de l’homme en société du pouvoir de l’avoir – est l’aliénation des nécessités de l’économie et de la politique où l’humanité se réalise en se perdant et se perd pour se réaliser, est le devenir autre qui devient la vérité de son vrai lui-même.

Comme le disait Marx, l’humanité, malgré son dé-saisissement d’elle-même possède déjà – et malgré tout – le rêve d’un temps où la vie na pas de prix mais dont elle doit maintenant posséder la conscience réelle pour le vivre en réalité de vie réelle.

S’émanciper des bases matérielles du fétichisme marchand qui produit partout l’inversion de la vie, voilà en quoi réside la guerre de classe de l’auto-émancipation de l’être contre les mensonges de lavoir. Ni l’individu isolé, ni la foule atomisée soumis aux manipulations politiques de la marchandise ne peuvent s’en acquitter puisque seule le peut la classe qui est capable d’être la dissolution de toutes les classes en supprimant tous les pouvoirs du social aliéné pour accéder à la forme dés-aliénante de la communauté réalisée. Là seulement où les êtres sont directement en relation avec le devenir universel de leurs besoins réels, là seulement peut se vivre la réalité des besoins universels qui a vaincu la logique de la marchandisation du monde.

La Commune de Paris fut une dictature du prolétariat inachevée, ce qui implique nécessairement qu’elle nia pratiquement l’idéologie de la possibilité d’utiliser l’État existant et fut son antithèse directe mais seulement de façon inaccomplie et ceci en fonction d’un temps qui était encore non réalisation possible du développement communiste puisque réalité en devenir d’un capitalisme toujours en possibilité de développement. Contre ceux qui prétendent que le prolétariat doit occuper l’État et le rendre plus populaire, plus libre, plus social et plus juste… le prolétariat s’organisa pourtant en démontrant que pour vivre l’être, il fallait commencer par être radicalement contre l’État et lutter pour sa destruction.

L’émancipation de l’être humain ne peut passer que par sa constitution en être communautaire du vivre la vie, en communauté humaine de la vie vécue en tant que communisme ; mouvement de l’auto-émergence satisfaite des besoins et plaisirs humains qui s’oppose radicalement à la liberté marchande d’entreprendre du capitaliser pour chaque individu privé. La véritable essence de l’homme, c’est l’être ensemble générique de la communauté ontologique qui réduit à néant la misérable apologie métaphysique de la liberté narcissique des atomes marchands, cette liberté du spectacle de l’avoir et du re-présenter que le monde de l’image fait rimer avec le commerce de la concurrence et de l’économie, une liberté qui s’exprime pour chacun comme une valeur déterminante dans l’affirmation de la puissance de son impuissance enjolivée sous les plis du drapeau de la liberté d’acheter et de vendre.

L’authentique communauté de l’essentialité humaine pour laquelle la révolution communiste se mettra en mouvement de passion et de saveur est une dynamique qui trouvera sa puissance et son infini développement dans les jouissances et plaisirs humains de l’être enfin ad-venu à lui-même par la destruction de tout État et l’avènement d’une communauté d’hommes réels, une communauté immanente, dé-liée de toute division sociale. C’est l’espèce humaine réunifiée et enfin consciente d’exister comme espèce de l’existence consciente qui seule permettra à ses membres d’agir en toute satisfaction humaine de l’être, c’est-à-dire en harmonie de nature, dans et pour la communauté.

C’est seulement lorsque l’humanité ne formera plus ontologiquement qu’un seul être, celui de l’essence de son exister unitaire que ses diverses parties constitutives poseront chaque action comme un moment humain de vérité du développement de l’ensemble de la vérité humaine. En ce sens, la véritable humanité est indissociable du sens de la communauté de l’être, c’est-à-dire du communisme et l’épanouissement de chacun dans la communauté réunifiée s’oppose sous tous ses aspects à la liberté individuelle marchande telle qu’elle se conçoit aujourd’hui dans le spectacle du faire valoir omni-présent.

L’individu privé sous la tyrannie du marché des choses est un individu banalement sacrifié aux choses du marché tyrannique, un homme dont la vie toute entière est estampillée du mot libre pour qu’il accepte plus volontiers son infinie martyrologie dans l’obscène captivité des galeries marchandes. Qu’il soit pompeusement célébré comme vainqueur ou qu’il soit de manière poignante honoré comme perdant dans cette guerre marchande de toutes les aliénations humaines contre tous les hommes aliénés où on l’a expédié pour être broyé et dé-chiré en son lui-même dans l’accumulation de l’anti-être, l’atome individuel de l’isolement actuel est dé-possédé de l’autre comme de lui-même, séparé de son humanité et des autres êtres humains, rendu étranger à sa propre espèce.

Expression d’une dynamique de réification qui trouve sa source dans un mouvement historique qui fige le monde dans l’équivalent général de la dictature de l’argent, la logique des Lumières marchandes trouve son point de départ et d’arrivée dans le statisme régnant d’une vision arrêtée dans l’immortalisation du capital. La pensée de la conscience fausse qui exprime l’auto-cratie dominante du spectacle de l’avoir est universellement marquée du sceau avilissant de l’immobilité obligatoire

Cette immobilité dans l’organisation et les parcours du penser n’est pas le résultat choisi d’une machination délibérée. C’est la conséquence nécessaire d’une pratique et d’un point de vue historique déterminé par la nécessité vitale pour la domination capitaliste de se conserver en tant que procès d’immuabilité de ce par quoi perdurent les bases du monde de l’argent.

Pour comprendre la matérialité de l’économie politique de la servitude, il ne s’agit pas de partir de ce que tel ou tel économiste veut ou non penser, de ce que tel ou tel politicien veut ou non justifier mais bien de la situation objective qui positionne le devenir de la société de classe. Pour la classe capitaliste, le monde du salariat ne peut être révolutionné puisque cela reviendrait à signer son arrêt de mort. Cette immobilisation du développement humain dans le salariat sans cesse reformé par la réforme se complète dès lors de l’immobilisation de tous les espaces du vivre et du réfléchir enfermés dans le développement salarial de l’immobilité existentielle du mental.

La question de la destruction de l’État est centrale pour la révolution communiste à venir et donc déjà décisive pour la théorie présente de la guerre de classe qui conduit à sa décision. Cette question a été et constitue l’être de signification de ce qui révèle les divers positionnements possibles au regard de ce qu’est la critique sociale, sa vérité, ses dé-figurations et sa contre-vérité. C’est toujours à propos de l’État que se fait la ligne de partage entre ceux qui veulent re-nouveler la marchandise et ceux qui entendent la supprimer.

L’État et les sociétés de classe sont apparus dans le même temps mais si l’État est l’instrument politique de la domination sociale, il est simultanément beaucoup plus que cela. Il est la marque historique d’un divisé qui est issu d’une rupture dans l’être de l’activité humaine. En effet, le surgir de l’État dit le rompre dans l’activité humaine de l’être lorsque la communauté n’est plus unifiée et que les hommes perdent la puissance d’agir dans le seul but du contenu de leur auto-activité. L’État est l’organisation du politique rendue indispensable quand la société du travail aliéné a succédé à la communauté brisée.

L’État est là pour unifier un espace-temps qui ne l’est pas. Il n’est pas une extériorité au Capital, il en est irrémédiablement devenu une essentialité définitive et les nostalgistes qui aspirent à re-donner au politique ce qu’ils appellent la vraie dimension de sa nécessaire primauté, oublient que la raison et la force de l’État ne pourront jamais plus produire autre chose que l’unification aliénatoire du séparé marchand.

L’État est l’administrateur du capital social total en tant que synthèse des divers capitaux particuliers et ses guerres n’ont toujours pour seule finalité que d’imposer à lautre sa propre dynamique de valorisation.

Le communisme comme critique de la politique et de l’économie en tant qu’activités séparées du séparant mercantile, a pour point de départ la nécessité de l’être en tant qu’organisation communautaire du produire la vie.

La guerre sociale qui établit le possible du communisme n’est pas le choc de deux armées comme cela se présente dans les conflits militaires de la servitude étatique. Traiter le sujet de cette façon, c’est réduire de manière fétichiste le tout du problème à un seul de ses aspects, celui de la violence. Ce vers quoi Blanqui et toute une série de théoriciens subjectivistes se sont fourvoyés en un temps où les conditions de l’immaturité sociale objective du devenir de la crise de la marchandise, contraignaient les volontaristes de l’impatience forcenée à fantasmer la révolution sur le mode lyrique du coup d’État à la sauce putschiste ouvrière.

L’impasse pratique du communisme utopique depuis des millénaires a été de vouloir retrouver artificiellement la communauté de l’être en faisant appel à une extériorité pour réaliser l’unité existentielle de l’intériorité de l’être : Dieu, Morale ou Conspiration… Or, le communisme réel ne peut être que le produit historique de la communauté humaine possible, une fois que l’histoire de la production a, elle-même, rendu impossible le re-produire de l’in-humanisation économique et politique de l’asservir.

Les défaites de la lutte révolutionnaire du prolétariat des époques passées renvoient naturellement au défaut intrinsèque de la lutte prolétarienne révolutionnaire en ce qui fait ces époques. La Commune a été vaincue dans l’isolement, non pas – en premier lieu – pour des raisons organisationnelles ou militaires mais parce que substantiellement elle avait lieu en un temps où le développement de la marchandise possédait encore la capacité de développer sa temporalité. La guerre des classes ne peut donc pas atteindre sa propre existence totale d’être communiste réalisé tant que le spectacle social de l’avoir peut encore, lui, réaliser l’être de sa totalité existante. 

Concevoir la destruction de l’État comme le résultat d’une simple lutte armée entre le nouveau et le vieux monde, en tant qu’insurrection contre les forces policières et militaires du second, c’est confondre l’abord particulier de l’auto-défense prolétaire avec la caractéristique générale de la communisation qui est essentiellement et d’abord le vivre autrement la vie.

Le communisme n’est pas la gestion ouvrière de la marchandise. Ce n’est pas non plus le produit de la terreur et de l’armée rouges qui n’ont jamais été que du réformisme armé pour continuer la prison salariale sous d’autres formes.

La guerre de classe vers le communisme est une anti-guerre classique. Elle est le bouleversement le plus ébranlant de toutes les attitudes et perspectives de vie. Les fronts militaires sont principalement des lieux de déplacements de marchandises humaines et matérielles au bénéfice d’espaces politiques où l’enjeu est le contrôle territorial pour le renforcement du pouvoir étatique de la possession. Le communisme n’est pas le prolongement du capitalisme redistribué aux ouvriers, c’est le mouvement de destruction de la tyrannie de l’avoir qui engendre le dés-asservissement de l’être.

Abattre l’État violemment par la critique des armes viendra de la nécessité de transformer la vie par les armes de la critique qui désignent humainement la vérité du jouir de la qualité. C’est pourquoi, le problème essentiel de la révolution communiste ne sera pas l’artillerie pour conquérir le pouvoir mais l’armement comme moyen de satisfaire les besoins de la communauté contre l’État.

La violence révolutionnaire, à rebours de la fascination spectaculaire pour l’impuissance du culte de la brutalité, est une violence anti-politique qui en tant que produit de la dynamique d’une communauté humaine se fondant, est d’abord une relation sociale émancipatrice qui dé-lie et délivre l’activité humaine.

La dictature anti-étatique du prolétariat ne vise pas à généraliser la condition prolétarienne mais au contraire à en généraliser la disparition. En tant que phase de transition entre l’ignominie marchande du quantitatif et l’accomplissement complet de la communauté vivante du qualitatif, elle énonce d’emblée la disparition de l’argent, du salariat et du marché pendant qu’elle met en mouvement l’abolition de la division entre la ville et la campagne. Le mouvement réel des siècles passés a démontré qu’il ne peut y avoir de communisation sans liquidation de l’État et de destruction de l’État sans généralisation du processus de retour communautaire à l’être.

La communauté humaine s’annonce déjà dans la guerre de classe vers le communisme et cela tout simplement parce qu’elle concerne immédiatement tous les êtres qui veulent vivre la vie de l’être communautaire. La guerre de classe contre le totalitarisme de l’avoir n’est pas une spécialité, elle n’a pas d’armée, elle n’a pas de spécialiste et comme elle est même une anti-spécialisation, elle se définit comme anti-militaire en ce qu’elle est tout simplement l’humanité en armes qui aspire à se débarrasser de l’in-humanité de l’économie politique.

Le but de la guerre de classe communiste n’est pas de fonder une nouvelle société du posséder mais une activité de l’être communautaire différente. La dictature anti-étatique du prolétariat refuse de mettre la question du pouvoir au premier plan ni parce qu’elle en serait effrayée ou a contrario pour ce qu’elle l’ambitionnerait mais parce qu’elle en comprend le vrai sens. La guerre sociale contre la domestication politique des incarcérations économiques est le seul mouvement historique qui puisse résoudre les controverses sur le pouvoir car ce dernier n’est pas pour elle la première des essentialités mais uniquement une complication dépendant premièrement des complexités de l’empire capitaliste de la passivité moderne. 

La guerre de classe pour le communisme résout donc la question du pouvoir parce qu’elle en est la seule solution et parce qu’elle s’attaque à la cause de l’occupation totale de la vie sociale par les images-objets de la domination.

La communauté de l’être qui est ainsi issue de la guerre de classe généralisée est la prise de vie de la conscience humaine sur l’ensemble des conditions matérielles de l’agir enfin désempêtré de l’avoir. C’est en démantelant les liens de dépendance, d’isolement et d’inconscience que le prolétariat détruira l’État et c’est en réduisant l’État en cendres que le prolétariat s’auto-abolissant produira la conscience unitaire de l’anti-dépendance.

La révolution communiste ne se fonde pas sur l’opposition politique gouvernés/gouvernants car elle sait que quand bien même l’espèce humaine s’auto-gouvernerait, l’économie du principe de séparation politique à la racine de l’aliénation étatique continuerait. La guerre de classe du radical ne modifie pas cet état de fait, elle le démolit.

Il est absurde de croire que l’on pourrait lutter contre l’État en voulant, en premier lieu, ruiner son pouvoir et seulement ensuite trans-former la société de l’avoir en communauté de l’être, ou bien l’inverse. Face à l’inévitable répression étatique qui se déchaînera à l’encontre de l’action révolutionnaire du prolétariat, le spectacle politique devra à la fois être abattu par des attaques de violence anti-militaire et miné par l’action de communisation de tous les champs du vivre ensemble.

La révolution communiste est l’apparition d’un mouvement historique qui ne veut pas le pouvoir mais à qui il faut le pouvoir de pouvoir réaliser son vouloir afin d’en finir avec le devenir-marchandise du monde. C’est en ceci que la guerre de classe anti-étatique est une dictature, une concentration de puissance qui met à bas l’omnipotence de la réification et qui ne l’emporte qu’en amenant chacun à rejoindre la réalisation par tous de l’activité pratique humaine de la communauté.

Aucune vie nouvelle ne pourra vivre sa rupture existentielle avec la marchandise en se mettant en marge de l’État car si elle est dés-accord réel avec le capitalisme elle se heurtera nécessairement à l’économie politique de la misère dont elle annoncera la dissolution.

Pour réaliser leurs besoins et leurs désirs humains, les prolétaires doivent se nier en tant que prolétaires et détruire le mode de production dans lequel les capacités de leur vivre ne sont plus que marchandise. La guerre de classe communiste qui généralise la disparition de l’échange et de toutes les classes permet, seule, le poser de la recomposition de l’activité sur la base communautaire de l’être. Par là Marx retrouve Héraclite au même instant où la communauté humaine universelle peut réaliser ce que la communauté primitive étroite ne pouvait que pré-figurer et qu’en tant que la longue histoire de l’aliéner ne peut dialectiquement se renverser en vérité de l’être vrai que lorsque le séparé de l’avoir n’a décidément plus rien à séparer.

L’histoire de l’économie et de la politique est celle de l’aliénation nécessaire, le temps où la communauté de l’être se réalise en se perdant, devient autre pour finalement et enfin devenir la vérité delle-même en l’être de son communautaire, par-delà toute économie et toute politique…

Les hommes font leur propre histoire mais en mé-connaissant l’histoire qu’ils font et qu’ils ne peuvent mettre ainsi en pratique que par un faire se faisant contre l’être de leur propre essence. Ils subissent de la sorte cette histoire comme rançon de leur in-humanisation sans pouvoir intervenir en conscience sur les parcours de son cours puisque – qu’ils appartiennent aux classes dominantes ou aux classes dominées – ils sont toujours et de toute façon l’expression de l’humain arraché à l’humain.

Par conséquent, les êtres humains se retrouvent là dans la situation de ne jamais pouvoir se trouver hormis lors des brèves périodes historiques de guerre de classe révolutionnaire lesquelles jusqu’à présent ont partout mené – de par leur dé-faite – à un mode de réorganisation supérieure du spectacle de la soumission.

La guerre de classe communiste n’aura le dessus qu’en imposant la fin de la division sociale en classes car elle sera l’être générique de l’anéantissement de toutes les oppositions entre l’activité humaine et les formalisations historiques que celle-ci suscite et entretient. En tant qu’auto-mouvement de l’intervention humaine comme permanence de sa satisfaction réelle, cette guerre de classe qui fait disparaître à la fois les guerres et les classes produira la fin de l’histoire en tant que spectacle des nécessités évolutives par lesquelles l’homme a divorcé de lui-même depuis que la société de l’avoir a supplanté la communauté de l’être.

Comme Marx le met particulièrement bien en relief ; la production capitaliste tend sans cesse à dépasser les limites qui lui sont immanentes mais elle n’y parvient qu’en employant des moyens qui, de nouveau et à une échelle plus imposante, dressent devant elle les mêmes barrières qui finissent par produire l’impossibilité même de son propre re-produire historique.

La guerre de classe communiste pour l’abolition des rapports économiques et politiques qui régentent la scission achevée à l’intérieur de l’homme ne peut être qu’une transformation sociale se réalisant à partir de la crise historique de l’économie politique lorsque celle-ci a épuisé tous les possibles de la politique économique, une destruction complète des aliénations du politique et de l’économique en tant que rapports historiquement déterminés d’inversion de l’humanité à son être et de cette dernière à la nature.

Cette guerre de classe ne saurait être une métamorphose juridique et un transfert de pouvoir. Elle renverse tous les points de vue des vieilles fatalités politiques et militaires qui empêchent l’homme de vivre directement sa vie et qui l’enchaînent à la perpétuation de son dé-tournement existentiel. La révolution communiste, c’est ainsi la reconnaissance que l’activité humaine en tant que prolongement des nécessités du processus ontologique de la nature, doit bouleverser la vie pour qu’elle cesse de s’échapper d’elle-même et se perdre dans l’infinie perdition des médiations par lesquelles l’histoire humaine s’est écrite comme histoire de la dés-humanisation.

Pour parler comme Hegel, le vrai de l’humanité est le devenir de lui-même qui présuppose sa fin comme son but et a cette fin pour commencement, et qui nest effectif que par son accomplissement et sa fin. Le vrai de l’histoire est le tout de son être comme développement de son accomplir en tant que cercle phénoméno-logique de la totalité objective par lequel le début contient déjà la fin puisque le futur est contenu d’emblée dans le présent dès son commencement et n’est effectivement réel que par sa totale exécution et en son terme.

En d’autres termes, le communisme primitif parce qu’étroitement local et limité à des périmètres de vie humaine strictement bornés était infailliblement condamné à dépérir dès lors que les rencontres inter-communautaires qui surgirent ici où là ne purent que favoriser la décomposition de son identité à partir de l’échange qui, né en son extérieur, finit évidemment par désintégrer son intériorité quand il s’y généralisa.

Et c’est cette généralisation échangiste qui est le principe actif de la dialectique par lequel l’homme s’éloigne de lui-même pour s’égarer dans l’économique, le politique et la guerre comme expressions de plus en plus despotiques du mouvement abstrait de la domination des choses sur l’usage qualitatif de la vie. Mais si l’homme se perd ainsi dans le mouvement historique de l’aliénation, il s’y re-trouve in fine dans le mouvement par lequel il se réapproprie son activité en se re-prenant en son être, c’est-à-dire en se com-prenant lorsque le maintien de l’organisation capitaliste n’a plus la capacité historique d’organiser le maintenir de l’aliénation historique.

Le devenir monde de la marchandise comme expression unifiée du marché planétaire de la valorisation chosiste est le couronnement social de toutes les dominations de l’in-humanité qui voient l’être banni du vivre. C’est le temps où le temps du marché est tout alors que l’homme n’est rien de plus que la simple carcasse du marché du temps. Mais c’est en même temps par le fait qu’elle concerne simultanément toute la surface du monde que l’économie politique du fétichisme du rendement a fait de l’échelle planétaire à la fois la référence du commerce de la non-vie et la perspective obligée de toute aspiration critique à la vraie satisfaction.

La domination aujourd’hui totalement réalisée du spectacle de la marchandise est le moment où la marchandise totalitaire est parvenue à l’occupation totale de l’existence et où toute contestation signifiante ne peut plus avoir pour objet que l’universel en tant qu’unité théorico-pratique du refus de la misère. Ainsi, le temps historique est enfin devenu conscient jusqu’au point de radicalité où il peut enfin ad-venir à la claire conscience totale de lui-même. La négation dialectique de la communauté première de l’être limité des origines par le mouvement échangiste de l’avoir qui tend à l’impossible illimitation du marché voit de la sorte à mesure qu’explose la crise historique du dé-mesuré,la marchandise s’auto-invalider par la mesure même de sa marche à l’illimité. Et c’est comme ceci que la guerre de classe communiste permet à l’être le retour à soi-même quand le déchirement absolu de ce dernier a terminé le travail historique de son absolutisation.

A la vérité et comme le remarquent fort bien tant Hegel que Marx, les peuples heureux n’ont pas d’histoire car l’histoire est exclusivement le champ aliénatoire des arrachements et du souffrir où l’être se divise et désapprend les joies immanentes de la naturalité. Les Sioux des plaines et les Germains des forêts dès lors qu’ils entrent dans l’histoire, pénètrent sur le terrain de la dislocation de la communauté ancestrale, les premiers, par la conquête militaire rapide du temps court des colonisations accélérées de la modernité, les seconds par la colonisation sociale lente du temps des conquêtes de la longue accélération vers le moderne.

L’histoire c’est le temps du séparé et le temps c’est l’histoire du séparant. Aussi, ne nous étonnons pas si la guerre de classe subversive qui abolit l’argent, les classes, la politique et la guerre, abolit du même coup le temps de l’histoire puisqu’elle substitue au fracas des destructions de l’être par l’avoir la détermination du mouvement de l’être en soi et pour soi comme devenir ontologique du vrai satis-faire
 
Le communisme à venir est le retour à soi-même du communisme primitif. Mais la révolution communiste telle qu’elle pose là l’achèvement du mouvement historique de l’aliénation de l’être en l’avoir, ne se conçoit pas en tant que dynamique d’un revenir au même mais comme ad-venir réel de l’être de l’homme à l’être générique de son humanité communautaire. Le communisme primitif était substantiellement étriqué de par la non-universalité unitaire de son expression et la conscience bornée qui en résultait et pour laquelle l’horizon du groupe constituait finalement la seule perspective cosmique. Le communisme de demain, lui, Gemeinwesen universelle de l’être véritable signifie épanouissement du cosmos comme auto-accomplissement de la vitalité naturelle enfin consciente d’elle-même.

En poursuite et au-delà de Hegel et de Marx et en relation au mouvement réel de l’histoire du réel lui-même, nous savons que l’être de l’homme ne peut atteindre son accomplir comme conscience consciente d’elle-même tant qu’il ne s’est pas par-achevé en tant que terminaison du parcours historique de lui-même comme esprit radical du monde.

L’histoire est la nature prenant conscience d’elle-même et le communisme détermine l’histoire universelle qui parvient enfin à son achèvement en se manifestant comme pratique vérifiée que l’être humain est la véritable communauté de lhomme puisque la communauté humaine est l’être véritable de l’homme.

L’homme est un être naturel qui est aussi un être historique et c’est par l’histoire qu’il accomplit sa nature quand la communauté de l’être devient enfin totalité transparente à elle-même.

Comme l’exposent les Manuscrits de 1844 ; « le communisme est labolition positive de lappropriation privée (elle-même aliénation humaine de soi) et par conséquent appropriation réelle de l’essence humaine par l’homme et pour l’homme ; donc retour total de l’homme pour soi en tant qu’homme social, c’est-à-dire humain, retour conscient et qui s’est opéré en conservant toute la richesse du développement antérieur. Ce communisme en tant que naturalisme achevé est la vraie solution de l’antagonisme entre l’homme et la nature, entre l’homme et l’homme, la vraie solution de la lutte entre existence et essence, entre objectivation et affirmation de soi, entre liberté et nécessité, entre individu et genre. Il est l’énigme résolue de l’histoire et il se connaît comme cette solution. »

Le dé-couvrir et l’être dé-couvert présupposent que le mouvement de la vie est essentiellement dé-couvrable et surtout que l’humanité a la capacité historique de le mettre effectivement à la lumière contre les voilements de l’in-humanisation civilisationnelle. En effet, s’il en était autrement, la vie resterait couverte, cachée et voilée en elle-même jusqu’à ne point pouvoir avoir la capacité humaine de saisir la conscience de sa propre conscience. Il faut donc bien qu’il y ait un acte historique dé-couvreur dont l’âme permette justement d’accomplir l’agir ontologique vers l’auto-compréhension actée du vrai vivre. C’est là, la condition essentielle de la possibilité de la vérité humaine vivante et vécue comme telle. Or, la seule dynamique d’être qui de par son essence même, soit radicalement dé-couvrante, c’est l’homme se fondant lui-même comme communauté humaine de l’être universel du cosmos et cessant ainsi de tomber dans la longue errance aliénatoire de l’égarement dans le quantitatif.

L’exigence d’essentialité de la vérité de l’être, c’est donc la communauté humaine et ainsi l’existence de la guerre sociale communiste qui y mène dans l’essence la plus absolue de ce terme telle qu’elle est la dé-couverte radicale du ressaisir et du re-couvrer l’essence originelle de la vérité de la qualité contre toutes les coercitions de la misère du commerce de l’économie et de la politique.

C’est dans l’histoire que se constitue le constituant de la vérité tant en tant qu’histoire de la vérité que comme vérité de l’histoire. C’est dans l’histoire que se cherche et se trouve le sens de l’être puisque l’histoire n’est elle-même que l’histoire de l’être accédant à la signification de ce qui le signifie tout en la désignant. La guerre de classe communiste est l’acte qui déchire le déchirement de l’homme par l’homme et qui élimine ainsi le principe de médiation qui fonde la cohésion de l’ordre du séparé et qui garantit la stabilité des aliénations économiques et politiques du pouvoir de l’avoir. Elle se définit de la sorte comme l’auto-mouvement de l’anti-médiation qui émane du vivre le vrai vivre pour éradiquer l’illusion de la fausse existence.

Le principe de la médiation est pour la guerre sociale vers le communisme, le principe suprême du spectacle des représentations de l’avoir et c’est à ce titre qu’il doit être liquidé de telle sorte que cesse la division de l’être par la dictature de l’inter-médiaire et du quantitatif. C’est la médiation qui fonde la cohésion de l’aliénation des représentations de l’avoir et qui engendre l’ordre hiérarchiste de l’économie politique de l’étatique qui seul réalise la perfection de la soumission en garantissant la stabilité de la servitude. Le principe de l’anti-médiation est en revanche le principe d’être de l’être qui fonde la cohérence de la communauté humaine dans un ordre d’engendrement anti-hiérarchique du produire humain non divisé et non séparé de son vivre dorénavant transparent à lui-même.

Par la guerre de classe qui abolit toutes les classes possibles de l’avoir, l’être acquiert enfin le contenu d’un soi-humain non-déchiré et non retourné à l’envers comme dans le monde de la civilisation de la valeur. L’être devient là et enfin la vérité de l’homme revenu à soi-même et se connaissant pratiquement comme essence universelle de la communauté de son soi réalisé.

Les époques organiques de la communauté vivante de l’être vivant n’ont pas besoin de la politique, de l’art et de la religion. L’immanence du ressentir communautaire suffit pour unir entre eux les termes et les contradictions de la vie qui s’effectuent de la sorte spontanément en synthèse totale vibrante de l’ontologie vécue et ainsi sans médiation. Aussi, les grottes d’Altamira et de Lascaux si elles disent bien le sacral du groupe en un langage symbolique qui exprime la relation d’être qui se tisse cosmiquement entre le fini et l’infini, sont d’abord là expression à la fois anti-religieuse et anti-artistique d’un vivre non-désagrégé au sens où leurs parois expressives ignorent la langue de la conscience déchirée de l’art et de la religion comme regards aliénés d’un point de vue séparé. A Lascaux comme à Altamira, il n’y a ni prêtre,  ni artiste, il y a l’harmonie écrite et peinte de la puissance harmonique de la communauté de l’être en son vivre d’ensemble qui fait que chacun est tour à tour en activité de chasse et de peinture tout en étant tout le temps en relation de vie spirituelle et charnelle à l’être du vivant, en un monde qui ignore le séparé dans la division des tâches et des fonctions et qui, d’ailleurs et pour correctement l’exprimer, va jusqu’à l’affirmer par le langage explicite de l’ontologie des sépultures communes.

Ce n’est que lorsque les forces unifiantes de l’être perdent leur puissance et que se brise l’harmonie communautaire sous les assauts de l’émergence de la société de l’avoir que la dynamique d’immanence de l’être ensemble disparaît de la vie des hommes et que s’y substituent progressivement les nécessités politiques, religieuses et artistiques d’un réunir le dés-uni qui n’est pas autre chose que l’esprit véritable de la civilisation en tant qu’incarnation erratique de l’ordre de laliénation.

La guerre sociale pour l’universalité communiste de l’être est le moment où l’humanité démontre en l’acte d’un auto-mouvement d’essentialité totale qu’elle n’est donc pas éternellement condamnée à errer dans les territoires de la misère de l’avoir et du séparé d’elle-même puisqu’elle réalise là la synthèse communautaire de l’un et du multiple, du particulier et du général dans la vie désormais indivisée de l’être en tant qu’expression clairement manifestée des besoins et désirs du satisfaire humain authentique, c’est-à-dire en tant qu’authentikos tel que cela signifie que l’agir ne s’anime plus désormais que de la propre autorité anti-médiatrice de son propre mouvement.

La révolution communiste est ainsi l’être de la révolution totale de l’être lorsque l’humain peut enfin re-trouver l’humain quand l’implication réciproque entre Prolétariat et Capital cesse de pouvoir historiquement reproduire la dynamique de faisabilité de son faire, en ce moment précis où la domination totalement réalisée de la valeur meurt de ne plus avoir justement la capacité de valoriser la réalité de sa totalité dominatoire. Parler de révolution historique, biologique, sexuelle, sociale et esthétique ne serait là que s’abandonner en une médiocre addition de déterminations d’in-complétudes particulières… En favoriser une spécialement serait amputer et dénaturer la dynamique ontologique de ce qu’est cette révolution qui ne peut être elle-même qu’en étant le tout communautaire de l’être accédant enfin à la totalité consciente de sa conscience totale.