Mes hésitations comme candidat.
Lorsque les citoyens du IVe arrondissement m’ont fait l’honneur de me porter sur la liste des candidats, ma première pensée a été de refuser.
D’abord parce que je suis persuadé que je pourrais être plus utile au mouvement en restant en dehors de toute situation officielle. Puis il me semble que cet appel au suffrage universel pour constituer un gouvernement révolutionnaire fera fatalement retomber celui-ci dans l’ornière du parlementarisme.
Une sorte de Comité purement exécutif des décisions prises dans les assemblées populaires des divers quartiers de Paris, se prononçant directement sur toutes questions que ce soit, politiques, militaires, administratives et économiques, me paraîtrait préférable à cette nouvelle délégation de la souveraineté populaire.
Au point de vue de la lutte probable avec Versailles, il me semblait aussi que le Comité central, issu de l’élection des bataillons fédérés, était plus apte à diriger les opérations.
Enfin, le mode de votation lui-même ne me convient pas. Je ne croirai jamais au caractère sérieux d’un mandat dont les parties contractantes n’apposent pas également leurs signatures sur le contrat. Je ne reconnaîtrai jamais aucune validité au suffrage universel, tant qu’il se manifestera au moyen d’un scrutin secret.
Mais n’aurai-je pas l’air, en refusant pour de tels motifs, d’abriter derrière mes théories la simple peur des responsabilités que va m’imposer cette candidature ?
Quand la maison brûle, est-il temps de discuter les moyens de se sauver ?
Joignons-nous d’abord à ceux qui le tentent. Si nous y réussissons, il sera toujours temps de me retirer et de résigner mon mandat.
Gustave Lefrançais, Souvenirs d’un révolutionnaire, De juin 1848 à la Commune