Proclamation de la Commune. Les dix journées du Comité central.
28 mars 1871.
La Commune vient d’être proclamée sur la place de l’Hôtel de Ville, aux cris cent mille et cent mille fois répétés de : « Vive la République ! vive la Commune ! vive la Sociale ! »
La place, la rue de Rivoli, les quais sont couverts de gardes nationaux fédérés, dont les baïonnettes sont ornées d’un petit ruban écarlate qui leur donne un aspect indéfinissable et des plus saisissants.
Grande et belle journée pour notre histoire révolutionnaire !
Ah ! si la province pouvait voir cette imposante scène, comme son cœur battrait à l’unisson des nôtres !
Le 28 mars marque la date d’une nouvelle ère sociale. Si la province le comprend, ce peut être la fin de la misère des travailleurs.
Mais sans doute elle n’en saura rien. Le gouvernement de Versailles fera tout son possible pour qu’elle ignore ce qui se passe, ou plutôt pour en dénaturer le caractère.
C’est, dans ce cas, la guerre civile, alors que Paris est encore à moitié investi par l’armée allemande. Je ne puis m’empêcher d’y songer au milieu des joyeuses clameurs et des chants de triomphe qui s’élèvent de toutes parts.
Les membres du Comité central partagent aussi cette joyeuse ivresse du triomphe et ils en ont le droit.
Pendant dix jours, à travers une terrible crise, avec un admirable instinct et un calme inébranlable, ils ont conduit à terme la situation qui leur était échue et accompli le programme qu’ils s’étaient tracé.
Ils ont montré – ces inconnus – et c’est ce que, peut-être, leurs adversaires ne leur pardonneront jamais, que le peuple peut désormais se passer de la tutelle de ceux qui, jusqu’à maintenant, s’étaient déclarés seuls capables de le conduire à ses destinées.
Ils ont même – ces ignorants, comme on les appelle – ils ont même créé une littérature politique révolutionnaire des plus remarquables, tant sont magistrales leurs proclamations, par la clarté, l’élévation et la simplicité du style.
Quoi qu’il arrive, ce gouvernement d’inconnus, d’ignorants, sera un jour la gloire de la révolution du 18 Mars, la première vraiment populaire de nos révolutions.
Gustave Lefrançais, Souvenirs d’un révolutionnaire, De juin 1848 à la Commune