Jamais champ de bataille ne fut plus horrible. Du milieu de lacs immenses on entend encore les cris de milliers d’hommes qu’on ne peut secourir. Il faudra trois jours pour que tous les blessés ennemis soient évacués sur Brunn. Le cœur saigne.

Bulletins officiels de la Grande Armée, 30e Bulletin, 2 décembre 1805, Austerlitz

J’ai vu l’Empereur – cette âme du monde – sortir de la ville pour aller en reconnaissance ; c’est effectivement une sensation incroyable de voir un tel homme qui, positionné là sur un point, et simplement assis sur son cheval, s’étend sur le monde et le domine

Hegel, Correspondance avec Niethammer

La guerre est une action de violence engagée pour contraindre l’adversaire à se soumettre à notre volonté… Afin d’atteindre cette fin avec certitude nous devons désarmer l’ennemi… La guerre est un acte de violence, et l’emploi de celle-ci ne connaît pas de limites… La guerre du temps présent est une guerre de tous contre tous. Ce n’est pas un roi qui fait la guerre à un autre roi, ni une armée qui fait la guerre à une autre armée, mais tout un peuple qui fait la guerre à un autre peuple. La guerre d’une communauté – de peuples entiers et notamment des nations civilisées – surgit toujours d’une situation politique et n’éclatera que pour un motif politique. Elle est donc un acte politique

Mais nous voyons donc que la guerre n’est pas seulement un acte politique, mais bien un véritable instrument politique, une continuation des relations politiques, un accomplissement de celles-ci par d’autres moyens. Pour mener brillamment à son terme une guerre entière, ou ses opérations les plus vastes que l’on nomme campagnes, il faut une grande intelligence des plus hautes données politiques de l’État. La conduite de la guerre et la politique convergent ici, et le général devient en même temps homme d’État…

Carl von Clausewitz, De la guerre

Et soudain, tel un coup de tonnerre, la révolution française frappa ce chaos appelé Allemagne…

Napoléon ne fut pas pour l’Allemagne le despote arbitraire que ses ennemis se plaisent à évoquer. Napoléon fut en Allemagne le représentant de la révolution, le propagateur de ses principes, le destructeur de la vieille société féodale. Il procéda naturellement en despote, mais les députés de la Convention eussent été deux fois plus tyranniques encore, et ils le furent effectivement partout où ils se manifestèrent. Quoiqu’il en soit, Napoléon était deux fois moins despotique que les traditionnels princes et nobles qu’il envoya à la mendicité.

Napoléon liquida le Saint-Empire des petits États, en en formant de plus grands. Il introduisit un code juridique qui était infiniment supérieur à toute la législation existante et qui reconnaissait le principe de l’égalité. Il contraignit les Allemands qui, jusque-là, n’avaient vécu que pour leurs intérêts particuliers à œuvrer à l’élaboration d’un vaste projet tendant à satisfaire des intérêts universaux toujours ajournés auparavant.

Engels, Lettre au Northen Star, 1845

Depuis la Révolution, la France est le pays le plus authentiquement politique de l’Europe…
La Révolution française fut la montée de la démocratie en Europe. La démocratie est – il faut considérer que c’est le cas pour tous les autres types de gouvernement – une contradiction en soi, une contre-vérité, rien d’autre finalement que de l’hypocrisie théologique comme nous autres Allemands nommons ce genre de choses. La liberté politique est un simulacre d’apparences, la pire sorte d’esclavage, l’apparence de la liberté et, en conséquence, la réalité de la servitude. Ainsi en est-il de l’égalité politique, c’est pourquoi la démocratie de même que toute autre forme de gouvernement doit finalement se dissoudre : l’hypocrisie ne peut subsister, la contradiction qu’elle dissimule doit ressortir ; nous devons avoir soit un véritable esclavage – autrement dit un despotisme non déguisé – soit une véritable émancipation humaine, c’est à dire le communisme. Ces deux conséquences sont ressorties de la Révolution française elle-même; Napoléon établit l’une et Babeuf la seconde.

Engels, Progrès de la réforme sociale sur le continent